Cependant, il y a Arm. Et depuis ses débuts avec Psykick Lyrikah et ce classique qu’est Des Lumières sous la Pluie, ce rappeur a su donner non seulement corps, mais également raison, à tous ces fantasmes typiques de l’approche franco-française du rap. Ses textes sont élaborés. Ils veulent dire, ils veulent signifier, à la manière d’un livre, à tel point qu’ils sont souvent déclamés de manière monotone, les paroles primant sur le phrasé. Par ailleurs, il a fini par s’acoquiner avec un vrai compositeur, Olivier Mellano, un musicien habitué à travailler autant pour le rock français (Miossec, Dominique A, etc.) que pour des orchestres symphoniques, et dont la contribution ne se limitait donc pas à placer une boucle ou une ritournelle au synthé sur les paroles d’Arm. Depuis longtemps, ce dernier pratique un hip-hop à fronts renversés, où les instruments sont le corps et les raps l’ornement, et non le contraire, comme il se doit. Mais avec lui, ça marche.

Son projet le plus récent, Psaume, en est encore la preuve. Il incarne ce vieux rêve caressé par certains, d’une retrouvaille entre le rap et les musiques électroniques, puisqu’il est une rencontre avec Tanguy Destable, alias Tepr, un homme qui est progressivement passé d’un registre downtempo à un autre, plus house, en passant par des productions grand public pour la chanteuse Yelle. Mais ce qui marque, avec ce disque, c’est que cette association va au-delà du concept, qu’elle n’est pas qu’une alliance pleine de bonne volonté entre deux univers qui ne parlent pas le même langage. Les deux artistes, en effet, sont issus de la même scène bretonne. Et quand Tepr faisait partie des très estimables Abstrackt Keal Agram, il y a plus de dix ans, il collaborait déjà avec Psykick Lyrikah. Entre les deux, donc, ça colle, ça s’entend, tout autant que dans les meilleurs duos hip-hop.

Conforme au titre de l’album, Arm psalmodie. Il tance, il admoneste, il prodigue des conseils sur la vie. Il se pose en sage et en protecteur vis-à-vis de son fils sur « Sur le Ciel ». Et pour souligner le propos, Tepr le fait bénéficier de son bagage dans les musiques électroniques en lui offrant des sons oppressants, ou d’autres, au contraire, élégiaque et spacieux, au diapason des grandes orgues qui ornent la pochette, ou bien encore quelques bizarreries comme le sample indianisant de « Rallumez-Les ». Si ces compositions viennent d’un univers éloigné du hip-hop, par exemple celle, gracieuse, du conclusif « Chaque Soir », Arm et Tepr y intègrent néanmoins des éléments issus du rap contemporain, celui de l’après trap music, comme le montrent le son de « Tu sais » et les passages où Arm accepte de déformer sa voix, au Vocoder ou à l’Auto-Tune. Ils apportent ainsi un supplément de modernité et d’américanité à un album qui, pour le reste, est la traduction exceptionnellement accomplie d’un rap intrinsèquement et purement français.