Cullen Omori est revenu de loin passé non loin du gouffre après la séparation de son ancien groupe Smith Westerns, il refait aujourd’hui surface avec “New Misery” album aux pop songs droguées. Nous l’avons rencontré dans les loges de la Mécanique Ondulatoire pour qu’il nous parle du chemin parcouru ces dernières années et de son nouveau départ.
Après le split de Smith Westerns, dans quel état d’esprit t’es tu retrouvé ? Avais-tu envie de continuer une carrière dans la musique ?
J’étais dans le flou complet, mais surtout je n’avais plus aucune confiance en moi. Je me suis vaguement dit que je pourrais tenter de faire autre chose de ma vie. Mais non seulement je n’ai aucune passion en dehors de la musique, et je n’ai que le bac. Au moment d’aller à la fac, j’avais préféré me consacrer à Smith Westerns. Pour toutes ces raisons, je suis entré dans une phase auto destructive pendant laquelle je suis beaucoup sorti, avec tout ce que cela induit. Puis progressivement, pour tuer le temps j’ai commencé à écrire des chansons. Pour la première fois depuis sept ans, je n’avais aucune contrainte et aucun public qui m’attendait. Il n’y avait que moi et ma guitare, c’était une expérience cathartique. Je pouvais vraiment aller chercher ce que j’avais au fond de moi. L’album a été composé en un an, de janvier à décembre 2014.
Tu étais tellement jeune qu’il ne devait pas être évident de se retrouver coupé d’un mode de vie dans lequel tu peux rapidement laisser l’insouciance prendre le dessus.
Oui, la musique était pour moi un choix évident. Franchement, opter pour être à plein temps dans un groupe qui ne marche pas trop mal et tourne dans le monde entier paraissait plus excitant que d’aller à la fac. Et puis tout s’est arrêté d’un coup. Personne ne s’est manifesté pour me proposer d’enregistrer quelque chose. Je suis donc rentré dans ce que l’on pourrait appeler une crise du quart de vie.
Jusque là tu composais tes chansons en duo. Max s’occupait principalement de la musique dans Smith Westerns. La composition de “New Misery” a t-elle été compliquée du fait que tu te sois retrouvé seul du jour au lendemain ?
C’était étrange, mais étonnamment pas aussi difficile que je l’avais envisagé. A la fin de la dernière tournée du groupe, l’ambiance était détestable, notre label nous ignorait. Il fallait trouver un nouvel élan. J’ai donc décidé de proposer au groupe quelques idées de chansons composées de mon côté. En gros tout le monde s’en foutait, ma relation avec Max devenait de plus en plus ingérable. J’ai donc décidé de les garder pour moi et pourquoi pas, un jour, tenter quelque chose en solo en parallèle au groupe. Tout a commencé comme ça.
L’album a été produit par Shane Stoneback (Fucked Up, Cults) et Ryan Mattos de Cults, James Richardson de MGTM et Ted Humphreys de Guards ont joué sur le disque. Cela fait beaucoup de beau monde autour de toi. Etait-ce des amis ou bien des musiciens que tu respectais avec qui tu voulais collaborer ?
Ryan est un ami de longue date. Nous avons commencé à jouer un peu en même temps. Pareil pour James avec qui j’ai partagé des tournées. Par contre je ne connaissais pas Ted. Je voulais m’entourer de musiciens talentueux pour masquer le fait que je suis un guitariste médiocre. Pourtant, même s’ils ont suggéré quelques idées que j’ai volontiers acceptées, les titres de l’album sont fidèles à ce que j’avais composé dans ma chambre. Ils sont tellement pros que nous n’avons pas eu à enregistrer beaucoup de prises en studio.
L’album a un son vaporeux, un peu drogué qui rappelle parfois des groupes comme Spacemen 3, mais en plus pop. Quelles références avais tu en tête avant de commencer l’enregistrement ?
Tu n’es pas tombé loin car je voulais créer une atmosphère à la Spiritualized. La drogue a longtemps fait partie de ma vie. Pendant les tournées, ou bien à Chicago car je n’avais rien d’autre à faire. Il est tellement facile de tomber dedans. Le son reflète un peu cette période de ma vie. J’adore la pop-music mais je ne me voyais pas en faire de manière évidente pour l’instant. La dernière des choses que je souhaitais était même que l’on essaie de croire que je voulais devenir une pop star qui reniait son passé. En ce sens j’ai déconné dans la vidéo de “Cinnamon” lorsque je mets feu à des affiches de Smith Westerns. Les gens n’ont pas compris, à juste titre, que c’était une blague. Je ne renie absolument pas mon passé, et je ne sors pas un disque en solo pour prouver au monde entier à quel point je suis le meilleur.
Je ressens comme une envie de grandiloquence sur une majorité des titres, mais celle -ci semble volontairement enfouie sous des tonnes d’effets, comme pour mieux pervertir les morceaux. Es tu d’accord avec cette impression ?
Oui car ma façon d’écrire n’est pas très conventionnelle. Tu retrouves beaucoup de styles au sein d’une même chanson. Je peux piquer une idée à Dylan et la mélanger avec des influences de groupes 80’s.
On retrouve pourtant quelques sons éparpillés, notamment au début de “Hey Girl” qui sonne pour moi un peu comme le Smith Western du début.
Oui, c’est volontaire. J’ai voulu apporter une dose d’ironie en commençant avec un son familier avant d’emmener le titre dans des sphères complètement différentes. Je trouvais ça cool de faire une référence au passé.
Tu parles du passé, comment envisages tu l’avenir maintenant que tu as à nouveau un pied dans le music business ?
Je continue à écrire. Je n’arrête pas en fait. J’ai des tonnes de maquettes sur mon téléphone. Au fond de moi, je suis quelqu’un de très en colère. J’ai eu envie de m’en servir pour emmener mes futures chansons dans une nouvelle direction qui sera plus brute, à la Stooges. Les références au passé de “New Misery” sont un peu nostalgiques, je n’ai plus envie de jouer avec ça.
L’album a t-il été enregistré sans que tu aies un label, donc sans trop de pression, ou bien avais tu déjà signé avec Sub Pop ?
A la fin 2014, j’avais huit ou neuf maquettes de chansons. J’ai rencontré un type qui m’a proposé de démarcher les maisons de disque pour moi. Il m’a servi de manager. Il avait envoyé un email à Sub Pop et n’a jamais obtenu de réponse. Lorsque certains labels se sont montrés intéressés, il a contacté Sup Pop à nouveau, mais juste pour le publishing. Ils se sont réveillés, ont demandé à écouter les maquettes et ont adoré. J’ai appris par la suite que l’email initial avait été supprimé par erreur. Je ne pouvais pas rêver mieux. Ils ont de l’argent, sont super créatifs, mais surtout d’un soutien sans faille.
As-tu commencé à tester tes chansons en live avant de commencer l’enregistrement en studio ?
Je voulais le faire mais ça ne s’est pas concrétisé. Les gens avec qui je travaille me l’ont déconseillé. De toute façon je n’aurai pas été à l’aise. J’aime me produire sur scène une fois que tout a été enregistré. Je préfère me concentrer sur une chose à la fois pour ne pas m’éparpiller.
Pourquoi avoir choisi un ordre de chansons chronologique à leur écriture ?
J’ai tenté plusieurs approches, mais ça ne fonctionnait pas. Puis je me suis aperçu que l’ordre dans lequel j’avais composé les chansons ressemblait un peu à une setlist. Une chanson calme, une plus rapide etc, jusqu’au dernier titre un peu épique. Il n’y a que “Synthetic Romance” qui est une exception.
Tu vas beaucoup au cinéma. Aimerais tu un jour te laisser tenter par la composition d’une B.O., voir même d’obtenir un rôle dans un film ?
Oui car c’est une passion depuis longtemps. Tout gamin, j’en écoutais énormément. J’ai par exemple usé celle du premier Mission Impossible jusqu’à la corde. Celles des Batman également. J’adore aussi les compilations de génériques télés. J’ai essayé de bâtir un paysage sonore pouvant s’en approcher pour cet album. J’ai beaucoup travaillé les ambiances.
Arrêtons pour un moment de parler musique. Lorsque l’on regarde ton compte Instagram, tu as l’air clairement obsédé par les hamsters. Pourrais-tu nous en dire plus ?
J’ai grandi avec des chats, je suis obsédé par les chiens, mais comme je voyage beaucoup j’ai dû me contenter d’adopter un hamster. Ils sont adorables, il n’y a rien de plus mignon qu’eux. C’est dommage, tu ne peux pas en mettre plusieurs ensemble en cage sinon ils vont s’entre-tuer. J’aime aussi beaucoup les animaux en peluche.