Petite découverte que ce duo d’Angers qui propose avec ce premier album une Pop refusant le jeu des étiquettes et n’en finit pas de brouiller les pistes avec un plaisir malin et une bonne dose de malice qui finit d’attiser notre curiosité.
La Pop est grande et belle quand elle ne tombe pas dans trop de facilités, quand elle joue avec les limites et les possibles. Quand elle sait rester accessible mais pont trop légère. Ce ne sera pas Tantely et Liva, ce duo angevin qui contredira ce constat.
Tantely et Liva, sans doute cela ne vous dit rien… Peut-être les plus affutés d’entre vous se rappelleront d’un duo à faire se dresser les poils, à monter d’un coup le pouls sur « Venus Parade« , le second album du groupe de Manuel Ferrer, A Singer Must Die et ce titre « A Right Arm Beyond Love ». C’était Liva, moitié du duo qui nous intéresse aujourd’hui avec cette voix à la forte et toute en nuances que l’on sentait éduquée à un rapport classique.
Autant l’univers de son ami d’A Singer Must Die semblait tendre vers les territoires de Scott Walker et de son cousin The Divine Comedy, autant il est plus difficile ici de dégager une influence précise ou plus forte que les autres tant il ressort de ce disque une incohérence, un patchwork hétéroclite. Pourtant, c’est loin d’être un défaut, c’est peut-être même le contraire tant de cette versatilité stylistique apparaît une ouverture en mode cinémascope.
Prenez « My Dress » qui ouvre l’album et commence comme une ballade irlandaise en mode Cranberries, qui ose le sucré à la manière de Six Pence None The Richer. Les arrangements sont du même tenant. Riches, changeants et baroques. On pensera parfois au Belle And Sebastian du temps d’Isobel Campbell pour ce même appétit de mélodies faussement naïves à l’écho Sixties. Ce qui provoque cette impression d’incohérence, c’est certainement ce chant qui peut être dans la ligne claire du Pop pour ensuite devenir un souffle ténu comme sur « La Pierre » qui ressemble tant dans sa construction mélodique autour d’un Piano et d’un Violoncelle que dans son approche à un Lieder des temps modernes.
Mais Tantely et Liva, c’est un duo. Tantely lui aussi chante et ose tout comme sur « Eusebius » en forme de Soul rayonnante, avec ces arrangements comme un hommage appuyé à Burt Bacharach ou « Diamonds in the Sun » pas si éloigné du « Suicide Is Painless » de Johnny Mandel. Il faudra ne pas se laisser piéger par cette impression de légèreté qui planque bien plus de profondeur qu’il ne laisse paraître à la première écoute. De « Ma Maison » qui noue un lien avec l’obsolète et Henry James à la comptine enfantine malade, régressive, « Catabesis », les deux semblent prendre un malin plaisir à vouloir brouiller les pistes, Chez eux, il est question de l’enfance, de la perte, du manque, du rapport au passé. Ce serait tellement facile de tomber dans une posture plombée, plutôt assumer sa bizarrerie, parler des choses tristes avec cette chaleur dans le regard. S’ouvrir le cœur mais sans se faire souffrir. Conjuguer le Saudade, cette forme de mélancolie des siestes d’après-midi de canicule avec la routine des quotidiens prévisibles. Faire entrer le temps de cinq petites minutes le lyrisme précieux, la douceur que l’on n’accepte pas habituellement. Se laisser submerger par cette petite mélodie de rien du tout du clair-obscur « Le Cœur » à l’incandescent « Florestan » ou « Elegy » qui pourraient se ranger aux côtés des merveilles de Chet Baker, d’Elvis Costello ou de Ed Harcourt. Ces petits riens du tout sur le fil du rasoir. Un pas de trop pourrait les faire basculer dans le ridicule, un pas de côté dans l’insignifiant. Assumer une fragilité sans pour autant être transparent ou inoffensif comme « A Mesure », à mi-chemin entre « The Evening Visits » de vous savez qui et le « Holocaust » de Big Star.
Sans doute, ne connaissez-vous pas la musique de Tantely et Liva. C’est une belle maison accueillante, les portes sont grandes ouvertes. On y chante et on y rit, on y parle de la vie, on y entre en inconnus et on en sort à regret en amis.