Plus qu’un retour, c’est à une renaissance que nous convie Silvain Vanot pour son nouvel album, « Ithaque ».
Le problème avec les chanteurs discrets, c’est que l’on finit par doucement les oublier et que plus dure est l’amertume, la prise de conscience de leur absence quand ils reviennent à la faveur d’un nouveau disque. Silvain Vanot, on ne l’avait pas oublié, loin de là.
Pendant que certains trustent nos esprits, nos têtes de gondole avec un talent plus ou mons prégnant, d’autres peinent à atteindre notre attention. N’en avez-vous pas assez de prononcer cette phrase comme un aveu d’impuissance, « Dans un monde idéal, il serait au plus haut ». Et si pour une fois, le monde idéal, c’était maintenant, là, tout de suite.
On ne remerciera jamais assez le label 03h50 au catalogue aussi exigeant qu’enthousiasmant (Orso Jesenska, Imagho…) qui nous permet de retouver Silvain Vanot. Cinq ans que nous étions sans nouvelles du Normand. Pourtant chaque album que nous propose le monsieur depuis le début des années 90 mérite bien plus qu’une écoute rapide. Il a ce grand talent de maîtrise d’une langue riche et belle sans pour autant laisser sa musique être un agréable contre-point, pour ne pas dire un détail. Chez lui, composer c’est travailler tout autant le lexique des mots que celui de l’harmonie. Lui qui se reconnaissait tout autant dans le folk du grand patron Neil Young que celui de Lambchop. Silvain Vanot était un peu ce chaînon manquant entre Yves Simon et la nouvelle scène folk, Pain-Noir en tête.
Bien plus qu’un disque de retour, « Ithaque » sonne comme une renaissance en forme de bilan. De cette petite miniature en entrée, cette « Chanson heureuse » qui a bien compris la nécessité de la prudence, cette fuite du bonheur de peur qu’il ne se sauve. Avec « Je suis le carnet de route », Silvain Vanot écrit un texte à tiroirs avec cette voix à la ressemblance troublante avec celle de Christophe dans une structure mouvante et synthétique.
Dans « Ithaque », Silvain Vanot s’affirme en artiste sans artifice. Prenez « Le nom d’un autre » qui se limite à un presque minimum syndical autour d’un piano, de quelques cordes discrètes et de sa seule voix. C’est sans doute cette modestie, cette simplicité qui nous bouleverse. Il est question d’authenticité ici. Il suffit d’écouter « De quoi parle t-on ? » qui semble avoir été enregistré en une prise comme pour mieux protéger l’émotion pure. Silvain Vanot écrit des chansons toutes simples. Une chanson populaire loin des postures, du convenu ou de la démagogie. Il faut avoir une humilité grande comme des bras ouverts pour écrire une merveille comme « Lucie » sans pour autant sombrer dans la mièvrerie.
Chez Vanot, on y trouve une tendresse, de celles que l’on trouve dans les disques de The Innocence Mission. Pourtant, chez lui, les angles sont plus larges comme ce Sitar sur « Ma siamoise ». Pour autant, il n’oublie pas de placer de l’humour comme dans « Vanneau » ou « Les accord du 9ème » au bord de l’anecdote ou du clin d’oeil. Se dégage de cet album une forme de malice, de nonchalance généreuse. Pourtant l’air de rien, s’insinue en nous cette impression que tout au long du disque, Silvain Vanot nous accompagne d’une main ferme planquée dans du coton pour mieux nous étreindre en conclusion avec cet « Ithaque » qui donne son nom à l’album.
Etrange paradoxe que ce morceau final, comme une conclusion qui ressemble à un retour, un retour à soi, un retour à nous.