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The Coral – Interview

De retour après cinq ans d’absence avec un “Distance Inbetween” dépassant toutes nos espérances malgré l’absence provisoire de leur guitariste historique Lee Southall, les membres de The Coral semblent plus soudés que jamais. Leur leader, James Skelly, est revenu pour nous en détail sur les causes de ce break, les années passées à fuir The Coral, et le nouveau son du groupe. Car celui-ci est étrangement lié à une brève rencontre avec l’ancien guitariste du groupe, Bill Ryder-Jones.

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Nous fêtons aujourd’hui, le 6 avril 2016, les 50 ans de l’enregistrement de “Tomorrow Never Knows” des Beatles. Penses-tu que cette chanson marque l’acte de naissance du psychédélisme en Angleterre ?

James Skelly : C’est un titre qui va au-delà du psychédélisme. En termes de techniques d’enregistrement, “Tomorrow Never Knows” était en avance sur son temps. C’est pour cette raison qu’il est difficile de le rattacher à un mouvement ou à une époque. Il sonne toujours moderne et donne même l’impression d’entendre des boucles de samples. Les Chemical Brothers, que je considère comme un groupe qui n’est pas du genre à regarder dans le rétroviseur, s’en sont largement inspirés à plusieurs occasions. C’est une chanson importante pour quiconque compose de la musique.

Les cinq dernières années semblent avoir été bien remplies pour quelques membres du groupe (The Intenders, The Serpent Power, solo projects, Skeleton Keys Records). Certains d’entre-vous se sont-ils éloignés de la scène musicale pour travailler sur d’autres projets ?

Non, tout le monde est resté occupé. Nous avions des projets liés à la musique. Nous avons même joué sur les disques des uns et des autres. Notre seule volonté était de ne pas penser à The Coral, de s’en éloigner le plus possible pour retrouver une liberté créative.

Vous est-il arrivé de vous retrouver tous ensemble pendant ces cinq ans et à quel moment avez-vous commencé à rejouer ensemble ?

Nous avions déjà composé certains titres bien avant notre break. Mais je n’arrivais pas à en terminer les couplets. Notamment “Distance Inbetween”. J’ai essayé sur plusieurs albums sans jamais y arriver. Il n’y avait pas de raison particulière. J’avais oublié l’existence de cette chanson et lorsque je suis retombé dessus, je l’ai terminée sans trop de difficultés. D’autres, comme “Million Eyes” et “Fear Machine” sont issues des sessions de “Butterfly House” et n’étaient qu’à l’état d’ébauches. Nous avions à l’époque tenté de les enregistrer avec John Leckie, mais les sessions n’ont abouti à rien de concluant. Tout le reste a été composé en moins d’un an.

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Vous aviez donc déjà l’idée de cette nouvelle direction en tête il y a cinq ans ?

Oui, mais nous ne savions pas comment y arriver. Nous étions épuisés et n’arrivions pas à casser notre mode de fonctionnement habituel.

Quel est l’élément qui a fait que tout a fonctionné cette fois-ci ?

Nous consacrer à d’autres projets nous a fait tellement de bien que nous sommes revenus bourrés d’énergie, avec un regard neuf. Nous nous sommes également fixés des règles, comme commencer à travailler ensemble à 11 heures du matin jusqu’à 21 heures. Puis nous rentrions à la maison. Nous sommes devenus plus disciplinés car nous passions beaucoup plus de temps à traîner sans rien faire par le passé.

Qu’avez-vous écouté pendant cette période et l’avez vous partagé avec les autres membres du groupe au moment des retrouvailles, comme pour faire un bilan de vos envies avant de se mettre au travail ?

Oui, nous avons écouté beaucoup de Hawkwind, mais aussi Can, Suicide, 13th Floor Elavators. De la musique hypnotique. Ah oui, Public Enemy également. Nous avons enregistré des compilations chacun de notre côté et nous écoutions tous ensemble. Il y en avait dans tous les styles, mais pourtant avec un point commun, un son relativement lourd, puissant. Ça nous a aidés à donner un ton au disque.

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Comment s’est passée la première répétition ?

Tout s’est passé naturellement, nous avons allumé les amplis et commencé à jammer ensemble. Ayant tous déjà joué ensemble sur le projet The Serpent Power, nous retrouver à nouveau tous les quatre dans la même pièce n’était pas quelque chose d’exceptionnel. Nous avions à un moment songé à sortir le résultat sous un autre nom que The Coral. Puis rapidement, les titres s’accumulant, il était évident que nous tenions le nouvel album du groupe.

On sent clairement une nouvelle direction, encore plus psych rock, qui s’exprime dès le début de l’album. Pourquoi avoir choisi “Connector” pour ouvrir le disque, était-ce pour vous le morceau qui résume le mieux là où vous en êtes aujourd’hui ?

Oui nous voulions un titre relativement extrême pour ouvrir l’album. C’est une sorte de tradition pour le groupe. Chaque album débute avec un titre psychédélique. Pour “Invisible Invasion” nous avions l’idée de faire un disque proche de ce qu’est “Distance Inbetween” aujourd’hui. Mais le groupe rencontrait trop de problèmes à l’époque pour que nous puissions nous concentrer suffisamment et mener cette idée à bien.

Vous avez enregistré le disque dans les conditions du live. La préparation de cet enregistrement a t-il été minutieux ou bien avez-vous préféré laisser place à d’heureux accidents ?

Non, nous avons répété tous ensemble en enregistrant tout sur nos téléphones. Une fois prêts, nous sommes allés les enregistrer en studio. La section rythmique a été enregistrée live, sans jamais effectuer plus de trois prises. Tout a été ensuite transféré sur un ordinateur afin de choisir les meilleures parties pour les assembler puis les éditer jusqu’à ce que le résultat corresponde à la vibe et à l’humeur que nous avions en tête. C’était presque comme si nous nous samplions nous-mêmes. Tu trouves quelques erreurs dans le disque, mais elles s’intégraient parfaitement au feeling, nous avons choisi de les laisser.

Lee Southall, votre guitariste, a choisi de faire un break et de ne pas rejoindre The Coral pour cet album. Est-ce une des raisons pour laquelle le disque met plus en avant la section rythmique ?

Oui, lorsqu’il a décidé de ne pas se joindre à nous, nous avons réfléchi à la meilleure façon de tourner son absence en avantage. C’est la raison pour laquelle la section rythmique est placée au cœur de l’album. C’était mon idée à la base car je voulais par la même occasion que le groupe aille à l’essentiel. Lorsque Paul Molloy nous a rejoints en tant que guitariste quelque temps après, il a dû se familiariser avec cette nouvelle structure et adapter son jeu en fonction.

James, après le départ de Lee, ta carrière solo t’a-t-elle aidé au moment de te mettre au travail et à endosser le rôle de lead guitarist ?

Pas vraiment car ce sont d’autres musiciens qui s’en chargeaient. Je me suis tout de même entraîné pendant deux ans avec une pédale loop. Au moment de recommencer à travailler pour The Coral,  ça m’a permis de jouer quelques leads, mais dès que Paul est arrivé, il a pris les choses en main. Il est bien meilleur guitariste que moi. Je suis plus doué pour les leads mélodiques. Paul peut jammer avec facilité. La fin de “Million Eyes” est un bon exemple, je joue un solo pendant que Paul enrobe tout le reste. “Chasing The Tail of a Dream” est le titre sur lequel j’ai joué un solo pour la première fois de ma vie. Je me suis par la suite plus consacré à l’écriture de leads au synthé.

“Chasing the Tail of a Dream” est mon titre préféré de l’album. Pourrais-tu nous en décrire sa création ?

J’écoutais un groupe qui s’appelle Demon Fuzz. Un de leurs titres sonnait un peu comme une bande originale de film, avec un riff très intéressant dont je me suis inspiré, en essayant de lui donner un côté plus Black Sabbath, mais je n’étais pas encore très satisfait du résultat. Au même moment je suis tombé sur Bill Ryder-Jones qui jouait avec Ian Broudie. Je ne l’avais pas vu depuis une éternité. Je lui ai demandé comment il arrivait à jouer un son de guitare qui sonnait comme un mélange de blues et de science-fiction. Il m’a montré rapidement, et je tenais enfin le son que j’avais en tête. C’est le premier morceau que nous avons commencé à jouer avec les autres membres du groupe. Ce titre a été un catalyseur.

Paul Molloy (ex-Zutons qui a joué dans The Serpent Power) a depuis rejoint le groupe à la guitare. Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’a-t-il apporté au groupe pour ce nouvel album ?

On se connaît depuis 18 ans avec Paul, on s’est rencontrés à Liverpool en achetant des disques, dans un petit magasin. Il s’est pointé et m’a demandé quel genre de musique j’écoutais. Small Faces, Otis Redding. Je le connais depuis lors. Ensuite, il était dans un groupe avec mon frère Ian : Serpent Power. Paul avait du super matos, il a joué sur “White Bird” puis nous a naturellement rejoints.

Pourquoi avoir choisi Richard Turvey (qui a également travaillé sur l’album solo de James Skelly) pour coproduire l’album ?

Richard avait bossé sur plusieurs projets auxquels j’ai participés : She Drew The Gun, Blossoms et plein d’autres groupes. Je passais tout mon temps dans ce studio, tout mon matériel y était (pédales, amplis). L’idée était de se sentir confortable, comme dans une salle de répétition. Richard est très doué, je pense qu’il ira loin.

D’une certaine façon, il était bon de revenir avec quelqu’un de confiance, comme Richard Turvey ?

Oui, c’est super d’avoir un jeune producteur, plus jeune que nous tous! On a déja donné avec les vieilles légendes (rires).

Vous parlez ouvertement de votre amour pour le krautrock. Votre single “Miss Fortune” porte le même titre qu’un morceau de Faust. Est-ce une coïncidence ?

Jamais entendu cette chanson. Mais l’idée pour notre “Miss Fortune” était la suivante : une chanson de Tom Petty jouée par Neu.

Super télescopage!

Oui, mais au final tout le monde a dit que ça ressemblait à du Echo & The Bunnymen (rires).

Je pensais vraiment que ce n’était pas une coïncidence, considérant votre amour pour le krautrock.

Non, vraiment, je n’ai jamais entendu ce titre de Faust bien que j’aie de nombreux disques dans ce style. Le titre traite de la chance, de la fortune, du destin. Le personnage de la chanson est une femme qui se trouve au bon endroit, au bon moment, et prend sa destinée en main.

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Quel est le groupe de krautrock qui vous a le plus influencés?

Il n’y pas vraiment d’inspiration krautrock, c’est plus Hawkwind l’influence majeure. Surtout l’album “Warrior on the Edge of Time”. Même s’ils sont britanniques, ils ont cette énergie, ce beat répétitif les caractérise. Et bien sûr, j’adore Can, Kraftwerk, Harmonia, tout le krautrock. Beaucoup d’éléments de cette musique viennent du blues. Toutes ces boucles : j’adore Junior Kimbrough, R.L. Burnside, par exemple. Le krautrock prend sa source dans ce blues rugueux : écoutez donc “Smokestack Lightning”, ça tourne sur le même accord!

Il n’y a presque pas de ballades sur le disque. Est-ce le fruit du hasard ou bien est-ce volontaire ?

Si si, il y en a quelques-unes : “Distance Inbetween”, “She Runs The River”. Quand on les a finies, on s’est dit qu’il fallait les placer intelligemment sur le disque et prendre du plaisir à les jouer en live.

En concert, allez-vous jouer des morceaux uptempo dans l’esprit de l’album ?

On commence avec “Miss Fortune”, le nouveau single. Le titre a cette dynamique, on installe une énergie : on annonce la couleur. Puis on enchaîne sur “Million Eyes”. En fait, on démarre avec cinq nouveaux titres. On ne veut pas faire comme Neil Young ou Bob Dylan, un truc nostalgique. Nous pensons avoir réalisé un super album. Le groupe joue pas mal de titres anciens mais on débute le set avec cinq nouvelles chansons, bim !

Pour montrer à vos fans où vous en êtes ?

Exactement. Pour les bousculer un peu aussi. Mais à la fin, ils sont récompensés. (rires)

Certaines maquettes du groupe sont-elles très expérimentales avant que vous ne leur donniez un aspect plus pop à l’arrivée ?

On aime bien aller chercher des éléments un peu étranges ou barrés et les inclure dans le format pop. Des influences d’avant-garde. Les Beatles faisaient ça, on en parlait au début : “Tomorrow Never Knows” est conçue ainsi mais elle dure bien trois minutes, un format pop. Sur ce modèle, nous aimons combiner des influences différentes : par exemple, une photographie de Gregory Crewdson va nous toucher et on va essayer d’en refléter l’esprit dans une chanson qui ne dure que trois minutes. Ou le film de David Lynch, “Eraserhead”. L’idée est de marier toutes ces influences et d’en faire un truc de quatre minutes maximum.

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