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Centredumonde – Rêvons plus sombre

Centredumonde - Rêvons plus sombre

C’est avec une cassette EP que Centredumonde revient avant un album annoncé pour l’automne. Entre tentation régressive et incohérences controlées, Joseph Bertrand invente un nouvel esprit libertaire.

Issu de la scène brestoise du début des années 90, Joseph Bertrand fut un acteur central de la scène underground de cette ville du bout du monde puis, du jour au lendemain, plus rien. De petite star locale, il sombra dans l’oubli. Les plus curieux d’entre nous trouvaient çà et là quelques traces d’activité, comme des signes de vie de l’apprenti chanteur. On ne l’avait pas complètement oublié mais son profil s’estompait un peu.

On s’était fait à l’idée que le monsieur était perdu pour une certaine cause pop. L’année dernière, une bande d’hurluberlus menée par l’activiste et stakhanoviste Arnaud Le Gouëfflec décida de remettre la musique de Centredumonde au centre de notre attention. Avec leur label L’église de la petite folie, véritable auberge espagnole ouverte à toutes les envies musicales, cette belle maison était l’endroit idéal pour favoriser l’expression du monsieur.

Ce fut donc “Bang”, une introduction à Centredumonde comme une fausse compilation de titres de différentes périodes (allant de 1997 à 2012). Non seulement ses chansons gardaient une vraie pertinence mais en plus, on put découvrir que le Brestois continuait à travailler de manière souterraine, comme pour lui-même, à l’image de ces artistes qui cumulent les titres et les partitions usagés mais jamais écoutés d’autres que leur créateur.

“Bang ! Une introduction à Centredumonde” avait fait bien plus qu’attiser notre attention, elle avait réveillé notre curiosité. C’est avec une cassette annonciatrice d’un album à paraître cet automne que Centredumonde revient. A la fois lo-fi et D.I.Y, la pop en trompe-l’œil de Joseph Bertrand déroute pour mieux désaxer.

Trompe-l’œil le titre également (“Rêvons plus sombre”) car bien plus qu’une affirmation d’un désespoir défaitiste, cet EP revendique le goût de la fièvre. Trompe-l’œil, la voix atone comme une inexpression qui cache mal une pudeur frontale. Joseph Bertrand joue avec et se joue du quotidien, s’abstrait du réel avec cette sonorité bricolée qui doit autant au Dominique A de la période “Si je connais Harry” ou Daniel Darc qu’à Dinosaur Jr.

Trompe-l’œil, la naïveté de facade aux tiroirs innombrables. Il faut avoir une certaine dose de culot assumé pour faire de la linéarité de l’ensemble un atout majeur, une ligne directrice. Car la musique de Centredumonde réclame l’attention, pas ces écoutes fugaces, pas cette curiosité légère comme un synonyme redondant de consommation. Pourtant, presque paradoxalement, ces six titres vous apprivoisent immédiatement malgré vous.

Du pont noisy de “Constellations” à l’atmosphère de “Copenhague” qui rappelle parfois Gerard Manset dans ses pleines lumières ou encore la mélancolie foutraque des “Dents les moutons blancs”, Joseph Bertrand investit des terres étranges, presque surréalistes. Sûrement, le Brestois aura t-il écouté les vieux hallucinés du rock américain. De Daniel Johnston à Jad Fair.

Trompe-l’œil, le coq à l’âne, le ni queue ni tête car bien que jouant avec le cadavre exquis et le copier-coller, Centredumonde n’est jamais dans un automatisme trop facile du procédé. On reconnaît chez lui cette envie d’aller vers une forme de narration autre et nouvelle.

L’univers de Centredumonde évolue entre tentation régressive et incohérences contrôlées. On est en droit de se demander vers quelle nouvelle folie s’aventureront les élucubrations de Joseph Bertrand pour un nouvel album annoncé par cet automne mais en attendant on se laissera porter par les climats libertaires de “Bang ! Une introduction à Centredumonde” et “Rêvons plus sombre”.

 

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