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Interviews

The Magnetic North – Interview

Après un premier album consacré aux Iles d’Orkney, The Magnetic North opte cette fois pour un sujet plus urbain basé autour de la ville nouvelle de Skelmersdale, située non loin de Liverpool. L’échec cuisant du plan initial a bizarrement entraîné le développement d’une forte communauté dévouée à la méditation transcendantale dans les années quatre-vingt. Transposée en chansons, cette histoire nous offre l’un des plus beaux disques de ce début d’année. De quoi donner lieu à un entretien passionnant avec un groupe investi dans son sujet.

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Avez-vous effectué beaucoup de recherches sur Skelmersdale avant de vous lancer dans l’écriture (vidéos, photos, livres) ?

Simon Tong : Oui, mais personnellement, ayant grandi à Skelmersdale, je connaissais déjà une bonne partie de l’histoire de la ville. J’ai envoyé Hannah et Erland sur place avec une liste de lieux à visiter et de gens à rencontrer pour qu’ils s’imprègnent de l’ambiance.

Hannah Peel : Nous avons passé du temps avec le personnel de la librairie de la ville, ainsi qu’avec des écrivains et des journalistes locaux. Certaines histoires qui nous ont été rapportées étaient incroyables. Comme celle de cette femme, une des premières habitantes de Skelmerdale, si heureuse d’enfin pouvoir quitter Liverpool pour s’installer dans une ville nouvelle et commencer une autre étape de sa vie. Quand elle est arrivée dans sa nouvelle maison, à sa grande surprise il n’y avait ni portes ni fenêtres. Elle a été prise de panique, et une heure plus tard, un marchand ambulant est arrivé pour lui demander si elle souhaitait en acheter (rires).

Erland Cooper : Cette anecdote était une bonne introduction pour les recherches que nous allions poursuivre (rires). Notre démarche avait été similaire pour notre album précédent qui avait pour thème les Iles d’Orkney. C’est intéressant car nous ne connaissions Skelmerdale qu’à travers le regard de Simon, qui n’en avait pas une grande opinion. A tel point qu’il nous avait même donné une liste des endroits à éviter une fois sur place.

H.P. : Et bien entendu nous n’avons pas pu nous empêcher de nous y rendre (rires). Tu portes forcément un regard différent sur la ville quand tu n’y as pas grandi. Nous y sommes allés cinq fois et chaque séjour nous a laissé un excellent souvenir. Nous avons rencontré des gens formidables qui nous ont accueillis à bras ouverts. Tous étaient très intéressés par notre démarche.

S. T. : Croyez moi, vous avez apprécié vos séjours parce que vous saviez que vous alliez rentrer chez vous après une semaine passée sur place.

Vos deux albums concernent chacun un lieu où a habité un membre du groupe. La dynamique entre vous a-t-elle changé par rapport au dernier album car cette fois c’était Simon qui était le plus à même de retranscrire des évènements liés à Skelmersdale ?

S.T. : Je me suis plus investi dans les paroles par rapport au dernier album. Ayant habité à Skelmersdale, je me suis évidement penché sur les fondations du projet. J’ai également trouvé par hasard, sur internet, le photographe qui nous a autorisés à utiliser ses clichés pour illustrer l’album. Stephen McCoy  est basé à Liverpool mais il s’est pas mal déplacé à Skelmersdale en 1984 pour photographier la ville et ses habitants. Il n’arrivait pas à croire que quelqu’un pouvait s’intéresser à ces photos vieilles d’il y a plus de trente ans.

H.P. : Nous lui avons demandé de s’occuper de nos photos pour les médias également. Nous sommes retournés avec lui sur les mêmes lieux qu’en 1984 et il nous y a photographiés. Il était si content qu’on le lui demande et pourtant c’est nous qui nous sentions fiers car nous sommes littéralement tombés amoureux de son travail. Ces photos font pour moi partie intégrante du projet, elles donnent même encore plus de sens au travail du groupe.

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Est-ce la musique ou les paroles qui ont été les le plus difficiles à travailler pour arriver à créer une atmosphère fidèle à ce que vous aviez en tête pour décrire cette histoire ?

E.C. : Nous avons dans un premier temps enregistré des maquettes, et je me souviens encore de les avoir écoutées à Londres avec Hannah et Simon. Le résultat manquait clairement de ligne directrice. Les chansons étaient bien là mais il leur manquait un peu d’âme, quelque chose qui nous transporte vraiment dans l’histoire et l’ambiance de cette ville. Nous sommes donc repartis de presque zéro et cette fois tout à fonctionné.

Avez-vous composé ou enregistré sur place pour mieux vous inspirer de l’atmosphère de la ville ?

S.T. : Non, nous avons loué un cottage dans le Lake District qui se trouve dans le nord de l’Angleterre. C’est un hasard, mais c’est la région où je passais mes vacances quand j’étais gamin, nous restions donc cohérents par rapport au thème de l’environnement familier.

H.P. : Tout l’enregistrement s’est déroulé dans un grand salon. Simon avait emmené ses chiens, ce qui fait que tu les entends parfois sur l’album. Nous avons même enregistré des bruits environnants, comme le train local, les oiseaux. Mais beaucoup ne figurent finalement pas sur l’album.

E.C. : Aller dans des endroits chargés de souvenirs d’enfance laisse rarement indifférent. La nostalgie et la mélancolie se fusionnent souvent. Il était vraiment intéressant d’en constater l’impact sur nos deux albums. Soudainement un déclic se produit et composer et trouver les bonnes idées semblent plus facile.

Aviez-vous des films, ou bien des livres en tête qui vous ont également inspiré pour cet album ? De quelle façon ont-ils impacté “Prospect Of Skelmersdale” ?

S.T. : Oui, le film “Kes” de Ken Loach par exemple. Il a été filmé loin de Skelmersdale, mais l’action se passe tout de même dans le nord de l’Angleterre. L’idée de décrire la vie dans un endroit déprimant et défavorisé, mais sans jamais perdre espoir nous intéressait. La poésie de ce film nous a beaucoup touchés. Nous avons souhaité transposer ce type d’ambiance à Skelmersdale. L’objectif étant de révéler une certaine beauté qui se cache derrière une apparence austère et de la transformer en musique. Il aurait été trop simple de composer des chansons en ne retenant que les mauvais aspects de la ville.

H.P. : Skelmersdale a beaucoup changé depuis que Simon en est parti. Quand tu regardes les photos des années 80, il n’y a presque pas d’arbres. Pourtant quand nous y sommes rendus l’été dernier, la végétation était luxuriante. En plein contraste avec la grisaille à laquelle nous pouvions nous attendre à cause d’un urbanisme pas très réussi.

S.T. : Ils ont construit Skelmersdale dans les années soixante à un endroit où tu ne trouvais que des champs et des fermes. Tout avait été rasé. Maintenant, avec tous ces arbres, tu as plus l’impression que c’est une ville qui essaie de s’imposer face à la nature. C’est un sentiment étrange, comme si cette dernière avait pris sa revanche.  

H.P. : Pour en revenir à “Kes”, sa bande son avec de la flûte et un orchestre à cordes te rend immédiatement nostalgique. C’est quelque chose que nous avons voulu transposer en voulant y apporter une touche d’espoir et de beauté typique du nord du Royaume-Uni. Je pense que nous y sommes parvenus sur un titre comme “Sunday Lane”.

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Simon, malgré l’échec du projet initial de cette ville nouvelle gardes-tu de bons souvenirs de ton enfance et adolescence à Skelmersdale ?

S.T. : (hésitant) Oui…. J’ai quand même de bons souvenirs. Comme le jour où j’en suis parti (rires).

E.C. : Je comprends la réaction de Simon. J’ai grandi à Oarknay, un des plus beaux endroits au monde et pourtant je n’avais qu’une envie, c’était de fuir. Etrangement, en vieillissant, j’ai maintenant envie d’y retourner régulièrement.

S.T. : Pas moi… Quand j’y habitais le taux de chômage était catastrophique, et tu n’étais pas en sécurité dans la rue en tant qu’adolescent. La situation a évolué, il faut être honnête, mais pas énormément. Mais elle n’est pas désespérée car il y a un esprit communautaire impressionnant. Les habitant prennent soin de leur ville et font tout pour rendre la rendre plus agréable malgré son architecture déprimante.

Un des morceaux de l’album s’appelle Cergy-Pontoise, ville nouvelle jumelée avec Skelmersdale. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce choix de titre ?

E.C. : Les paroles de ce titre sonnent comme un mantra : “Get Down, I Won’t Get Down” répétées en boucle. Comme une lueur d’espoir que l’on adresse aux habitants des villes nouvelles.

S.T. : C’est juste que le nom de Cergy-Pontoise figure sur les panneaux à l’entrée de la ville. Pour moi il y a toujours eu une part de mystère entourant cette ville qui me paraissait si lointaine, dans un autre pays. Je me demandais si Cergy était plus belle que Skelmersdale.

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Le logo du groupe ressemble un peu à celui d’un culte. Est-ce une façon de rappeler le passé de la ville dans les années 80 avec la communauté de méditation transcendantale qui s’y est installée ?

E.C. : Pas du tout, mais tu as parfaitement raison pour la ressemblance. C’est en fait le logo de la ville. Il remonte même à sa création. Ils trouvaient à l’époque que c’était plus vendeur pour attirer les gens. En fait, les promoteurs ont crée un concept initial s’apparentant à une sorte de marque qu’ils devaient absolument vendre afin de récolter les fonds nécessaires à la construction de la ville. Ce logo faisait partie d’un plan de communication.  Il représente une balise qui se trouve en haut d’une colline à l’extrémité de Skelmersdale.

H.P. : Nous en parlons d’ailleurs dans “Death In The Woods” : “The beacon is a witch’s hat,

Pricks the night and turns to black”.

“Jai Guru Dev”, premier titre de l’album est un mantra que l’on retrouve dans les paroles d’”Across The Universe” des Beatles. Est-ce une référence directe ou bien Guru Dev a t-il enseigné à Skelmersdale ?

E.C. : Bien vu pour la référence aux Beatles !

S.T. : C’est le gourou qui a inspiré le mouvement initial de méditation transcendantale. Mon père faisait partie de la branche de Skelmersdale, et à chaque début de séance il fallait rendre hommage à “Jai Guru Dev”.

H.P. : Son nom se traduit littéralement par “grand esprit”.  Je trouvais que l’association de son nom et du plan d’urbanisme initial de Skelmersdale était intéressante.

Nous retrouvons à nouveau sur cet album des instruments à vent et à cordes. Quelle approche avez vous voulu leur donner cette fois-ci pour appuyer une histoire différente ?

H.P. : Notre premier album, consacré aux iles d’Orkney était plus lié à la mer, aux collines avoisinantes. Pour restituer son atmosphère, nous avons utilisé beaucoup de cuivres, des cornes, un orchestre à cordes et même une chorale locale. Cette fois, il nous fallait plus une ambiance urbaine, un peu déprimante, mais avec une belle palette de couleurs pour apporter une touche d’espoir. La clarinette et la flûte sont donc des instruments que nous avons utilisés car ils permettaient également d’apporter une touche très années soixante dix. J’ai joué tous les instruments à cordes. 

E.C. : Nous aurions pu à nouveau enregistrer avec un orchestre ou bien une chorale. Mais nous avons opté pour une approche plus simple et modeste dans un souci d’aller à l’essentiel et de bien coller à notre sujet. 

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