Loading...
Disques

Tindersticks – The Waiting Room

Tindersticks - The Waiting Room

Sur fond noir, un âne anthropomorphe se trouve assis de guingois sur un siège kaki et s’appuie nonchalamment sur une table ronde garnie d’une nappe aux motifs floraux à dominante rose : dès la première fraction de seconde, le choix esthétique de la pochette – très réussie au demeurant – du dixième album studio de Tindersticks évoque une compilation de raretés ou un album inédit de Sparklehorse. Passé l’effet de ce trompe-l’œil involontaire, on avance à pas feutrés dans cet univers si familier et rassurant, convaincu à l’avance de vivre encore de merveilleux moments, qu’ils soient empreints de joie révolue ou de noirceur immédiate. 



L’introductif instrumental « Follow Me » annonce une ambiance toujours plus proche du septième art, sans aucun doute à force de collaborations avec Claire Denis. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un récent projet de mini-films accompagnant chaque titre de l’album a vu le jour par l’entremise de l’équipe du Festival International du court-métrage de Clermont-Ferrand, en collaboration avec La Blogothèque, à la demande expresse du crooner en chef Stuart Staples.

 À cet incipit idoine s’enchaînent sans effort apparent les pièces maîtresses – n’ayons pas peur des mots – parmi lesquelles l’évidente « Second Chance Man » qui met d’emblée la thématique globale en perspective. Sur la forme, « Were We Once Lovers? » fait figure de suite logique de « Frozen » – titre issu de l’album studio précédent, « The Something Rain », 2012 – au même titre que « We Are Dreamers », niché un peu plus loin et interprété en compagnie de Jehnny Beth, momentanément échappée des impétueuses Savages dont l’album est paru le même jour que « The Waiting Room ».

La grande surprise de cet album à tendance plutôt sombre, c’est ce dansant et solaire « Help Yourself », porté par une rythmique et une orchestration qui nous emmènent tout droit chez Fela Kuti et Tony Allen, ce qui est particulièrement gonflé. À la suite de cette escapade afrobeat, le fantôme vocal de Lhasa De Sela est convoqué sur « Hey Lucinda » comme pour prolonger la sublime ballade « Sometimes It Hurts » – présente sur « Waiting For The City », 2003. En effet, plus d’un lustre après le décès de son amie très chère, Stuart Staples s’est enfin décidé à exhumer et à inclure cet enregistrement qu’il ne parvenait plus à entendre sans peine. 

Après le flou artistique monochrome mi-figue-mi-raisin de l’instrumental « Fear Of Emptiness », « How He Entered » fait montre d’une limpide mélancolie qui semble osciller entre reflets blafards de désillusion et lueur d’espoir. Quant au morceau-titre, extrêmement près de l’os, il est très certainement le plus introspectif et le plus noir de cette salle d’attente qui n’est pas près de diffuser de la musique d’ascenseur. Enfin, « Like Only Lovers Can » rappelle, avant de baisser le rideau, à quel point la musique des Tindersticks a quelque chose d’universel et de singulier à la fois. Et même si elle n’a jamais respiré la joie, elle continue par sa simple beauté à nous apporter le réconfort dont on a si souvent besoin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *