Loading...
Disques

Tortoise – The Catastrophist

Tortoise - The Catastrophist

Lorsqu’il a débarqué sur notre serveur en fin d’année, en pleine torpeur post-attentats, le trop bien nommé « The Catastrophist » nous a fait un bien fou : un bain de jouvence à la kraut, avec des allures d’intello rangé des constructions savantes pour le bien du groove, un certain esprit pop tout en légèreté. Tout pour plaire !

On a même bien du mal à reconnaître Tortoise dans ce « Yonder Blue » chanté-sussurré par notre Georgia Hubley nationale, en vacance de Yo La Tengo, noyée dans le brouillard d’une production lourde comme un smog pékinois.

 

Le titre a tout de celui d’un Yo La Tengo qui se montrerait déconstructiviste ou plutôt un Yo La Tengo perdu sous les décombres. On pense à une cover, dans le genre de celles fournies par Bonnie Prince Billy dans un album partiellement réussi (souvenez vous, « The Brave and the bold«  : que de promesses non tenues) et c’est « Rock On« , reprise de David Essex, avec, ici, la voix de Todd Rittmann (Dead Rider, U.S. Maple) qui nous remet sur les pistes de cette tentative de réappropriation du répertoire.

 

Pas de doute, on est dans du gros rock. Tortoise chassé de ses terres par des jeunes loups à descendance jazzy tels Battles et autres subtils et matheux Radian se replierait-t-il sur la pop ?

Si la question reste en suspens, « The Catastrophist » n’est en tout cas pas dénué d’humour avec ses claviers aux notes flûtées sur « Tesseract« , à moins qu’il se s’agisse d’un hommage discret au jazzman Herbie Mann (avec ou sans le prodigieux Sonny Sharrock), ce début électro débile rappelant d’autres « Standards«  pour soudainement virer au post-rock le plus rigoureux et vigoureux (ah diable cette basse-batterie !), ou encore la pochade « Gopher Island«  (1 minute 13) toute vrombissante et haletante (tendez l’oreille) en véritable fin cachée putative du tube à échos « Rock On« .

On adore se perdre dans cet « Ox Duke«  aux couleurs changeantes qui nous coince dans une trame serrée et nous emmène étroitement tout au long des presque cinq minutes bien loin du point de départ sans que les ruptures, pourtant franches, nous permettent de refaire le chemin à l’envers mentalement.

On retrouve, bien sûr, les gimmicks du groupe comme les cloches tubulaires sur « Shake Hands With Danger«  ou les tentations easy listening de l’album « It’s All Around You«  sur « The Clearing Fills«  mais tout cela est fait avec légèreté, vite exécuté, pas trop appuyé (les morceaux sont, disons, assez courts pour du Tortoise), comme pour s’excuser d’avoir pu, ou voulu, être un peu trop profond.

Il y a bien un titre de près de huit minutes, répétitif à souhait et qui semble reprendre les affaires là où Philip Glass avait laissé Albert Einstein, c’est à dire sur la plage éclairée par les néons de Bob Wilson.

 

« Gesceap« , donc, morceau de bravoure d’un album pop pendant l’écoute duquel on a souvent envie de se déhancher en sirotant, pourquoi pas, un « Hot Coffee« .

Bref, j’étais plus que preneur, moi qui m’étais ennuyé ferme lors du concert suivant « It’s All Around You«  et ayant juré qu’on ne me reprendrait pas de sitôt à la messe djazzerauque pour indie(ns) serpents à lunettes.

Seulement voilà, « The Catastrophist«  est un objet de consommation rapide hautement périssable et en quelques semaines (à haute dose, il est vrai), j’ai épuisé tout son potentiel de joies auditives. Pire, j’ai réévalué à la hausse son précédent « Beacons Of Ancestorship« … Il ne manquerait plus que je rachète « It’s All Around You« , voire le coffret pléthorique « A Lazarus Taxon«  et que j’agrémente mes cheveux dégarnis d’un élégant catogan.

Ne boudons quand même pas notre plaisir : que Tortoise ait retrouvé le chemin de nos platines (et surtout de nos écouteurs) est une bonne nouvelle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *