On avait laissé Bertrand Belin sous les eaux d’un déluge dans son précédent album “Parcs” pour mieux le retrouver au “Cap Waller”. Entre deux, il nous invitait à une plongée en eaux troubles à travers son premier roman “Requin”, poursuivant l’intrigue de sa pièce radiophonique “Cachalot?!”. Qu’il s’agisse de pluie, de lac, d’océan, l’élément liquide n’est jamais loin dans les chansons du Breton natif d’une famille de marins pêcheurs. Si “Cap Waller” ne désigne aucune destination existante, ce n’est pas en territoire inconnu que Belin conduit l’auditeur. Pour ce cinquième album, il s’est entouré de la même équipe, celle qui a enregistré au studio Yellow Arch de Sheffield et accompagne l’album sur scène : Thibault Frisoni aux guitares et claviers, Tatiana Mladenovitch aux percussions. C’est elle qui ouvre la voie de “Cap Waller” de ses premières notes de batterie et pose sa voix sur le refrain renouvelé d’un “Que tu dis”. Lorsqu’on demande à Bertrand Belin si, comme Dominique A, il préfère que ses chansons soient jugées au prisme de leur musicalité, il s’inscrit en vrai, regrettant que la critique réduise l’analyse des chansons françaises à leurs textes. On lui reconnaît volontiers un timbre de composition anglo-saxon allant de pair avec son flegme charismatique, son théâtral jeu de scène vient en témoigner. Pourtant, le livret qui accompagne “Cap Waller” fait l’exégèse des personnages rencontrés au fil des onze chansons, ce sans-domicile dormant dans un hall de banque dans “Altesse” et que l’on recroise “Au Jour Le Jour”. Belin se fait l’interprète d’une humanité et de sa solitude : “Depuis le temps, je n’attends plus personne” nous dit-il dans “Que tu dis” ou encore “Depuis quand je n’ai rien parlé” dans “Douves”. C’est toutefois la dimension sonore de la langue qui est la porte d’embarquement vers ce “Cap Waller”. “Que tu dis, que tu dis, que tu dis”, “Folle, folle, folle”, “D’une dune”… Les allitérations de Belin sont autant de notes de son instrument vocal, ponctuant la rythmique des chansons jusqu’à délier la langue, coller la peau, esquisser le pas de danse de silhouettes inconnues, lui, vous, moi, nous ? Cultivant le sens des contradictions, le facétieux Bertrand Belin creuse son sillon dans l’océan discographique, toujours avec “le beau geste, le mot juste”.
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