Alors que ce mois de novembre affreusement meurtrier se referme, beaucoup parmi nous cherchons à nous échapper, creuser une bulle, une membrane protectrice même infime qui servirait de refuge. Oublier ce que nous venons de traverser, s’adonner à la rêverie. La musique, odieuse cible pour quelques uns, est aussi et surtout un moyen de trouver du réconfort, de se déparer aussi de bavardages inutiles. Avec la certitude que la mélancolie explorée par certains brille au milieu de champs obscurs. En ce sens, le magnifique disque de Will Samson sorti sur le beau label Talitres est une arme parfaite, fruit d’un long travail sur les tessitures sonores, qui ferait de l’anglais de 27 ans un cousin de Bon Iver ou l’un des fils égaré de Brian Eno.
A l’écoute de « Ground Luminosity » on s’imagine au milieu de la grisaille anglaise ou longeant la côte nord portugaise au bord de laquelle ce troisième disque de l’anglais a été enregistré. Les paysages défilent, les lumières lointaines se fraient un chemin à travers le brouillard pour agripper notre regard et nous retenir longtemps. Trait d’union entre l’electronica et un folk brumeux britannique vieux de plusieurs décennies, la musique de Will Samson est à la fois contemplative et charnelle, distante et incarnée. Que l’homme s’adonne à la méditation au point qu’elle ait changé son rapport à la musique n’est, en soi, pas une surprise. Sur « Ground Luminosity » la chair et l’esprit font des entrelacs avec une facilité déconcertante, dans une suite admirable d’instrumentaux et de titres chantés. Du morceau-titre évoquant les canons de l’ambient music à un « Suspended in » particulièrement prégnant, rien n’est ici le fruit du hasard. Cela s’appelle la grâce, tout simplement.