Nous étions sans réelles nouvelles de Sam Eastgate depuis la fin de Late Of The Pier en 2010. Le voilà donc de retour en solo sous le nom de LA Priest avec « Inji« , album bouillonant d’idées qui a été l’une des bonnes surprises de 2015. Nous l’avons rencontré pour un entretien qui perce le mystère de ces années passées à la recherche de son identité musicale.
Ta passion de l’expérimentation musicale a commencé très jeune, lorsque tu t’es intéressé au matériel qui traînait dans le grenier de ton père. Pourrais-tu nous en dire plus sur tes premiers pas de musicien ?
Il y avait de grosses étagères en bois dans le grenier de mon père. Sur l’une d’elles se trouvait un énorme ordinateur sur lequel il avait programmé l’un des premiers simulateurs de réalité virtuelle. Vers 1996 certains magazines ont commencé à distribuer gratuitement des logiciels de musique et tout d’un coup le grenier est devenu la pièce dans laquelle je passais le plus de temps à la maison. Je garde notamment le souvenir d’avoir passé des mois sur un logiciel qui s’appelait Sound Evolution sur lequel j’ai composé ma première chanson. J’ai utilisé tous les sons disponibles pour créer un “Wall of Sound” des plus ridicule qui soit.
Tu avais sorti, un single, “Engine” sous le nom de LA Priest en 2007, puis nous n’avons plus eu de nouvelles de ce projet avant 2015. Pourquoi l’avoir réactivé ?
J’ai toujours eu en tête de produire un album après “Engine” mais je n’ai jamais réussi à trouver une direction musicale cohérente. J’ai donc continué à en chercher une toutes ces années tout en m’engageant dans d’autres projets en parallèle. Il m’a fallu beaucoup de temps pour arriver à prendre du recul et finalement comprendre que je pouvais écrire ce que je voulais et pas forcément ce que l’on attendait de moi. A partir de ce moment, je me suis senti libre de me créer une nouvelle identité. Ce n’est donc qu’en 2013 que je me suis mis spécifiquement à travailler sur “Inji”.
Tu sembles aimer te couper du monde, loin des réseaux sociaux et de la ville pour composer en tranquillité. T’intéresses-tu cependant aux nouveaux disques qui sortent ou bien cela reste t-il le cadet de tes soucis ?
Rester éveillé à la découverte de nouveaux groupes et de courants musicaux est très important pour moi. Le problème étant que je ne peux m’empêcher de décortiquer et d’analyser le travail des autres. Il faut donc occasionnellement que je me coupe du monde extérieur car je ne veux surtout pas créer de la musique trop “éduquée”, inspirée par ce qui existe déjà. Je pense que mes meilleures inspirations viennent d’interprétations erronées, de tentatives de créer en avançant dans un flou permanent.
Tu affirmes considérer la musique comme une science. Cherches-tu en permanence à approfondir le moindre son par des expérimentations ?
Je ne vois aucun intérêt à me la raconter techniquement parlant. Je suis bien plus intéressé par la personnalité qu’il est possible d’apporter à la musique. La science est juste une approche pour concrétiser mes idées, mais j’ai bien d’autres méthodes que celle-ci car je ne souhaite pas me limiter à une technique de travail.
Tu as beaucoup voyagé ces dernières années. Quelle est selon toi la destination qui a inspirée le plus “Inji” et pourquoi ?
C’est la ferme d’un ami dans le sud de la France car il s’y trouve un grenier où je me sens bien. Parfois je n’ai pas besoin de plus que ça pour trouver l’inspiration.
Une première écoute distraite de l’album pourrait faire penser que l’album n’a pas de réelle direction. Des titres comme “Lady’s In Trouble With The Law” et “Lorry Park” sont très différents. Leur point commun reste pourtant une production très particulière, très personnelle. As-tu cherché à déstabiliser un peu tes auditeurs, à les faire réfléchir ?
J’ai enregistré beaucoup de titres en totale contradiction les uns avec les autres. Je n’arrivais pas à former un ensemble cohérent. Il a donc fallu que ces chansons apprennent à cohabiter les unes avec les autres sur l’album. Elles sont en quelque sorte le reflet de mes pensées. Mais la majorité des gens n’est pas cohérente au quotidien, et je pense que c’est quelque chose de positif.
Maintenant que tu travailles seul depuis plusieurs années en solo, te vois-tu un jour rejoindre un groupe à nouveau, ou bien préfères-tu collaborer occasionnellement avec des artistes ?
Ces dernières années j’ai collaboré plus que je ne l’avais jamais fait auparavant. J’ai passé plus de temps entouré qu’à jouer seul. Jouer avec un groupe a toujours été important pour moi, mais je ne sais pas si je pourrais faire jouer mes chansons par d’autres. Il faudrait pouvoir garder un côté improvisé ou bien jouer de la musique composée en collaboration. Je ne suis pas à l’aise avec l’idée d’une hiérarchie sur scène quand on joue en concert.
Tu as justement enregistré un album avec Connan Mockasin sous le nom de Soft Hair. Le disque n’est toujours pas sorti à ce jour. Pourrais-tu nous en dire plus ?
L’album a été enregistré sur une plage avec le logiciel Cool Edit 2.0.
Tu as récemment sorti un single avec Andy Smith (Lxury) qui a travaillé avec toi sur “Inji”. Ce titre est-il issu des sessions de ton album ?
On nous a offert du temps dans un de ces studios ultra modernes. Nous ne nous étions jamais rencontrés auparavant. Il m’avait demandé d’apporter mon synthé Juno et on a travaillé sur quelques idées pour mon album. On s’est vite égarés et nous avons commencé à travailler sur autre chose. Il existe d’autres chansons mais j’ai bien peur qu’elles soient bien trop en avance sur leur époque et ne seront jamais publiées de notre vivant.
“Party Zute/Learning to Love” est pour moi le meilleur titre de l’album et le point fort de tes concerts. Pourrais-tu nous en dire plus sur l’histoire de ce titre ?
C’est un titre qui avait moins le format d’une chanson que mes autres idées. Il ne devait y avoir qu’un loop de paroles en non stop pendant plusieurs minutes. Une sorte de titre que tu entends sur des radios pirates. Mais la maison de disques a tellement aimé le titre que j’ai rendu le titre plus accessible en y ajoutant des paroles, d’autres lignes de basse et quelques breaks. Si je l’avais gardé dans son esprit d’origine, simple et répétitif, il aurait été fidèle à mon idée de base qui était une sorte de déclaration d’amour à la House, aux soirées en club, au côté hypnotique de cette musique. Je m’en étais éloigné pendant un moment et je voulais en quelque sorte réactiver mon amour pour la House et ce qui l’entoure avec ce titre.
Pour terminer sur une note très légère pourrais-tu nous expliquer pourquoi nous retrouvons un chien sur la pochette du disque et dans presque toutes tes vidéos ?
Ma chienne aime être le centre d’attention et elle a compris que les appareils photos et les caméras pouvaient l’aider en ce sens. Dès qu’elle en remarque elle s’incruste. Je pense que si elle le pouvait, elle monterait sur scène avec moi pour que tout le monde la regarde.
Un grand merci à Jennifer Gunther
Crédit photos : Isaac Eastgate