Assurément l’année 2015 aura été celle de quelques revenants magnifiques, de Peter Milton Walsh (The Apartments) à Robert Forster en passant par The Chills. Sous d’autres latitudes, « The Light in You » marque aussi le retour aux affaires de Mercury Rev, après sept années d’absence et deux derniers albums peu inspirés dans l’ensemble, qui auront fait regretter au plus grand nombre « Deserter’s Songs », son chef-d’œuvre indémodable. Autre siècle, autre décennie qui aura vu le groupe, sous influence psyché-grunge à ses débuts, muer et devenir grâce à ce disque publié en 1998 l’une des formations américaines les plus importantes des nineties. Qu’attendre donc en 2015 de musiciens qui ont sciemment cultivé leur anachronisme (luxuriance des orchestrations, lyrisme à toute épreuve, crescendos lumineux et tendus à la fois) jusqu’à l’excès ? La quête de beauté poursuivie par le groupe présente bien des écueils – emphase et artifices en tout genre – et a fini par lasser.
Certes le temps a fait son œuvre pendant toutes ces années de silence discographique pour un Mercury Rev devenu duo autour de Jonathan Donahue et Sean « Grasshopper » Mackowiak, puisque Dave Fridmann qui en était l’architecte et le producteur attitré a quitté officiellement le groupe en 2011. Les deuils récents de proches, un sentiment de perte, de nostalgie planent bien tout au long des onze titres de « The Light in You », mais sans modifier la ligne musicale édictée par le groupe depuis le milieu des années 90. A peine une teinte, une coloration que traduisent assez justement des textes évocateurs et plutôt économes (« Whispers over water, over land they’re sown / Everything about her isn’t really so / Whispers underground, Pere Lachaise they grow / Every inch of sunshine burning out the old ghosts » sur le bien nommé « The Queen of Swans »).
En effet, loin des disques tardifs paresseux produits par certains, « The Light in you » se révèle être une belle réussite, assez inespérée, et se rapproche sensiblement de quelques-uns des sommets de « Deserter’s Songs » ou « All is dream », soit le meilleur de ce que les Américains ont produit. D’emblée donc « The Queen of Swans » nous ramène en territoire connu, une envolée rêveuse immédiatement identifiable et vraiment addictive. « You’ve Gone for little so long » et « Autumn’s in the air » nous emportent assez loin dans l’émotion, le vague à l’âme. « Coming Up For Air », d’une belle évidence pop, nous apparaît même comme une possible chute de « Deserter’s Songs ».
Et si les deux hommes de Mercury Rev n’évitent pas quelques sorties de route – relatives certes – (un « Are you ready » aux ficelles un peu trop voyantes, un « Sunflower » enlevé mais qui tourne un peu en rond), au moins auront-t-ils eu le mérite de sortir quelque peu de leurs schémas habituels. Bref, le bonheur est partagé et l’histoire se prolonge. Nous ne pouvions pas en demander plus.