Le rappeur de la scène de Memphis qui a su le mieux tirer son épingle du jeu est Juicy J, incontestablement. Il en est devenu la star et le visage. Il a su tirer profit de l’épopée de sa Three 6 Mafia, pour se lancer dans une carrière solo à portée de vue du grand public. Cependant, s’il faut en retenir un autre pour la constance de sa carrière, poursuivie vaille que vaille, de label en label, malgré de nombreux passages en prison, c’est alors à son grand frère, Patrick, qu’il faut s’intéresser. Depuis les années 1998-2000, et notamment sa participation au single « Sippin’ on Some Sizzurp », du groupe de son frère, Project Pat n’a cessé de sortir des disques et mixtapes a minima intéressants, jusqu’à ce jour d’avril 2015 où, à 42 ans, il a proposé une suite à Mista Dont Play, son album de référence datant de 2001.
Sorti sur le Taylor Gang Records de Wiz Khalifa, cet autre Mista Dont Play, sous-titré Everythangs Money (c’était Everythangs Workin’ pour le précédent) souligne la persévérance de Project Pat. Formellement, rien ne sépare ce disque ce ceux d’avant. Il recycle d’ailleurs quelques extraits de ses mixtapes passées. En bon artisan de la musique, le rappeur se fait fort de toujours refaire le même produit.
Il emploie les thèmes de base éternels du rap sudiste, drogue (« I Like to Smokeaaa », « Wanna Get High »), sexe (« Twerk It », avec Wiz Khalifa, Wale et Ty Dolla Sign), argent (« Trying To Get A Dollar ») et surtout beaucoup de violence (« Gooned Up », « I ain’t Payem Shit », « Crash Out »). Le rappeur use aussi de petites mélodies synthétiques stéréotypées, produites principalement par Lil Awree, et il joue de sa signature vocale, cette dernière syllabe accentuée et toujours prononcée sur le même ton, avec une telle fréquence que ça en est parfois irritant.
Project Pat, c’est du gangsta rap en pilotage automatique, mais du gangsta rap honnête. La posture est prétentieuse, mais la musique, elle, est en fait sans prétention. Elle donne lieu, néanmoins, à quelques petits hymnes comme « Pull a Move », « Gucci Skully » avec King Ray, « Never Be A G » avec Juicy J et le regretté Doe B, et la très bonne conclusion « Makin’ Plays ». Et d’autres passages encore sont à retenir, comme cette ode aux narcotiques qu’est « I Like To Smokeaaa », ce « Leave Me Alone » à la misogynie ultime, ainsi que le paranoïaque « Suspect ».
Le premier Mista Dont Play avait connu un succès considérable. S’écoulant à plus d’un million d’exemplaires, il avait été en effet l’un des albums les mieux vendus du label de la Three 6 Mafia, « Hypnotize Minds ». Il est cependant bien peu probable que cette suite tardive rencontre le même succès. Et pourtant, ça ne serait que juste rétribution, compte-tenu de la persistance inébranlable de Project Pat.