Nouvelle signature de chez Jagjaguwar, Briana Morela a enregistré son nouvel album à Reykjavik avec des proches de Sigur Rós. Elle nous parle de cette expérience et de son univers musical inspiré des grands espaces.
Tu as enregistré l’album en Islande avec le producteur Alex Somers qui a collaboré avec Sigur Rós. Pourquoi avoir choisi de travailler avec lui ?
Il a découvert ma musique grâce à son frère avec qui je partage un ami en commun. Alex a aimé ce qu’il a entendu et a pensé que l’on pourrait arriver à produire quelque chose d’intéressant ensemble. Il est donc entré en contact avec moi. Le plus drôle est que je ne connaissais pas vraiment son travail.
Vous avez travaillé ensemble pendant deux mois et demi à Reykjavík. Comment s’est passé cette collaboration et qu’a-t-elle apporté au disque ?
Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois nous sommes devenus amis instantanément. Par la suite, quand nous sommes rentrés en studio, nous échangions nos idées pour les chansons avec une facilité et une complicité déconcertante. Il avait beaucoup d’idées pour développer mes morceaux différemment, ce qui m’a fait énormément de bien car tu as souvent trop tendance à t’enfermer dans ta bulle quand tu travailles en solo.
Écouter ta musique plonge immédiatement l’auditeur dans de grands espaces. Tu habites dans l’Etat de Washington où la nature est splendide. Cet environnement est-il une source d’inspiration pour toi ?
Oui, la nature est présente autour de moi depuis mon enfance. La mer et de vastes endroits sauvages sont au pied de Seattle. Même un souvenir comme aller à la montagne avec mes parents et remplir un panier de myrtilles m’inspire encore.
Tu as pris des cours de chant pendant des années et tu as déclaré que la voix était l’instrument le plus intéressant. Passes-tu autant de temps à expérimenter sur les possibilités de travailler ta voix qu’avec des instruments ?
J’adore ça. L’idée n’était pas de trop accentuer cet aspect sur ce disque, par contre j’expérimente beaucoup avec ma voix sur d’autres morceaux. J’ai récemment commencé à prendre des cours de chant lyrique pour apprendre d’autres techniques.
Aimerais-tu enregistrer un album uniquement composé de sons émis par ta voix ?
(Elle affiche un grand sourire) Oui ! Il n’y a rien de plus beau que des voix assemblées. Je voulais déjà le faire pour ce disque mais Alex Somers nous a poussés vers une approche différente. J’ai toujours été fascinée par l’album « Medúlla » de Björk et par sa pureté.
Tu as jusqu’ici joué live en solo ou avec ta sœur. Tu es maintenant entourée de musiciens sur scène. Comment s’est passée la transition ?
C’est fun car ce sont avant tout des amis. Il y a maintenant un batteur, et un deuxième clavier-vocaliste. Là encore, leur arrivée permet de me sortir de ma zone de confort. J’ai pu ajouter des titres qu’il m’était impossible de jouer en solo, modifier les arrangements de certains autres. Il faut que je prête attention à ce que les autres jouent, c’est un type de concentration différent.
Tes paroles s’inspirent souvent d’épreuves personnelles (« Friends Tonight » sur une rupture, « All Around Us » sur la mort), mais tu ouvres toujours une porte de sortie positive. Tes chansons sont-elles un moyen pour toi de tirer un trait sur ces moments pour pouvoir continuer à avancer ?
Oui. J’ai horreur des comportements négatifs. Ils ne te mènent nulle part. Comment s’en sortir en broyant du noir éternellement ? Composer m’est parfois thérapeutique. Ça m’aide à tourner la page sur des évènements, à apprendre des choses sur moi-même.
Dans la première chanson de l’album, « Follow It », tu incites les gens à poursuivre leurs rêves même s’il faut prendre des risques. C’est un peu ce que tu as fait avec ce nouvel album en lançant une campagne Kickstarter et en empruntant de l’argent pour le financer !
(Rires) Pas vraiment non ! Ma sœur ne se pose jamais de questions, mais je suis son opposé, une personne très timide. Mais quand une idée me motive, la concrétiser devient un besoin. Je me suis endettée pour enregistrer ce disque, car au fond de moi je savais que je devais mener ce projet à terme. Je quittais la fac et j’avais deux options, trouver un travail que j’aurais détesté, ou bien tenter ma chance en tant que compositrice. « Follow It » a été composée pour me motiver autant que pour motiver les autres. Je ne recherche pas le succès, je veux juste me concentrer sur ce que j’aime et le faire le mieux possible.
« All Around Us » est le titre d’un livre pour enfant. Pourrais-tu nous en dire plus sur le choix de ce titre pour ton album ?
C’est un livre que j’ai trouvé dans un magasin vintage à Olympia à l’époque où j’y habitais. Il contient des images d’animaux et de plantes que je trouve très jolies. Mais étrangement, c’est surtout le titre qui m’a intriguée. Je me suis demandée ce qu’il y avait partout autour de moi, et ma conclusion a été que c’était l’amour qui m’entourait ! Ce qui correspondait parfaitement au thème de l’album.
Pourrais-tu nous en dire plus sur la scène actuelle d’Olympia ?
L’ère du grunge est pourtant loin, mais la scène locale est toujours très active musicalement. Il y a une concentration de « weirdos » impressionnante. Tu peux tout te permettre dans cette ville et personne ne te dira jamais rien. C’était comme vivre dans une petite bulle artistique. J’y ai habité cinq ans avant de déménager car je trouvais la ville trop petite.
Pourrais-tu nous parler de la session d’enregistrement des cordes avec Amiina. Avais-tu pensé à enregistrer avec un orchestre à cordes dès l’enregistrement de tes maquettes ?
Tout est parti d’une discussion avec Alex Somers lors de laquelle je lui disais que ce serait cool d’avoir des cordes sur certains morceaux. Il connaissait Amiina, mais n’était pas certain qu’ils seraient disponibles de suite. Et pourtant ils ont réussi à trouver un moment pour nous. Au lieu d’avoir le quatuor, nous n’avons eu qu’un trio car une des membres venait juste d’accoucher. Nous n’avons eu que deux heures pour travailler ensemble. Ils avaient écouté les chansons quelques jours avant sans les arrangements. Il y a une telle proximité entre eux que nous n’avons eu qu’à leur dire ce que nous avions en tête et ils l’ont retranscrit à la perfection. Je n’arrivais pas à y croire. Ils jouent sur cinq des neuf chansons de l’album.
La vidéo de « Surrender » a été décrite comme un hommage aux premières photos couleur au début du 20ème siècle. Tes photos de presse et la pochette de l’album jouent avec les contrastes et les couleurs. Quel rapport entretiens-tu avec la photographie ?
Pour résumer grossièrement, j’adore tout ce qui est analogique. La vidéo a été filmée en Super 8. Je trouve tellement plus de charme à ces vidéos vintage que tout ce qui relève de l’art numérique. C’est comme pour la pochette du disque qui a été réalisée à partir de trois photos de moi prises en bord de mer. Une magie se dégage naturellement des couleurs, des contrastes. L’artiste qui a réalisé cette pochette y a rajouté un dessin.
A quel point t’investis-tu dans l’aspect visuel de ton travail pour qu’il colle aussi parfaitement avec tes chansons ?
Même si je suis bien incapable de réaliser mes pochettes ou mes vidéos, j’ai une vision très précise du résultat auquel je souhaite arriver. C’est pourquoi c’est important pour moi de travailler avec des artistes proches de ma sensibilité qui arrivent à réaliser les visuels tels que je les aurais conçus moi même.