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Disques

Chassol – Big Sun

Chassol - Big Sun

Disons le d’entrée : “Big Sun” est, tout comme son auteur, inclassable. Fruit d’un projet artistique mêlant image et son, réalisé à la suite d’un voyage en Martinique, terre des racines de Christophe Chassol, l’album s’apprécie tout aussi bien sans son support visuel. On y gagne, même, pour peu qu’on laisse son imagination façonner des ambiances créoles tout autour de soi.  Mais le film – ou plus exactement l’ensemble des prises vidéos que Chassol a réalisées – reste toutefois la matrice de l’album. Après avoir capturé voix, bruits et fragments de musique au détour d’une ruelle, d’un jardin ou en plein carnaval, il mélange ces prises sonores et tisse tout autour une matrice d’harmonies savantes au piano et au Fender Rhodes. Des rythmiques qui emportent la piste subitement puis s’estompent sans prévenir viennent pimenter les compositions, donnant avec les nappes enjouées un côté « électro-pop » dont Chassol n’a pas à rougir.

On retrouve dans son œuvre des éléments de la musique contemporaine et expérimentale, du Steve Reich et du Hermeto Pascoal notamment. Le premier pour la répétition de motifs auxquels on fait subir des modifications plus ou moins discrètes, notamment des déphasages – “Piano Phase” – donnant un effet proche du canon en chant. Le second pour l’utilisation de sons pris en extérieur, dans la nature, ou provenant d’objets de la vie quotidienne, ainsi que certains arrangements (orgue, flûte, voix) comme dans “Slaves Mass”.

Chassol parle d’“ultrascores” pour définir sa démarche créatrice : harmoniser les sons et la parole, les mettre en musique. Il ne veut pas utiliser ces instants qu’il a saisis pour ses compositions ; au lieu de cela, il compose autour de ces prises du réel et tend à les sublimer. Un exemple frappant était ce « Music is God, my love »  dans “Indiamore”, album de 2013 suivant la même démarche artistique.

Big Sun” fait partie de ces rares albums qui vous marquent à la première écoute, au détour de deux ou trois rythmiques entraînantes (“Samak”, “Carnaval”, “La Route de la Trace”…) et de quatre ou cinq mélodies entêtantes (“Birds Part 1,” “Mario Part 1”, “Dominos Part III”, “Reich et Darwin”…), mais qui savent surtout révéler toute leur saveur, tout leur piquant, au fil du temps. L’ensemble foisonnant et hétéroclite dévoile alors son unité, les mélodies se répondent et se répètent, et le fil directeur devient de plus en plus net. Ce sont ses racines que Chassol met en musique, à travers un voyage qui, si l’on peut lui trouver quelques longueurs, ne cesse de surprendre, au détour d’un flow pris sur le vif ou d’une “Madame Etienne Lise” qui fait les présentations.

Certains vous conseilleront probablement d’écouter l’album d’un seul tenant, sous peine de passer à côté. Je n’en ferai rien. Mais prêtez-y absolument une oreille : vous n’avez sûrement jamais rien entendu de tel.

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