C’est avec une pointe d’étonnement, mais aussi et surtout avec un incommensurable plaisir, que fut accueillie la nouvelle du grand retour de Tim Keegan, ce vieil ami francophile depuis trop longtemps aux abonnés absents. Retiré avec femme et enfants sur la côte sud de l’Angleterre, l’ancien leader de Departure Lounge semblait couler des jours paisibles, pas vraiment pressé de donner une suite à son dernier signe de vie discographique, « Foreign Domestic » (2007).
Entre paternité et gestion des affaires familiales, une série d’événements personnels plus ou moins joyeux ont vraisemblablement contraint Tim Keegan à différer ainsi son come-back. Ces aléas n’ont toutefois pas provoqué de grands chambardements stylistiques, pas plus qu’ils n’ont entamé le savoir-faire du songwriter britannique, travaillant avec toujours autant de précision de nobles matériaux autrefois mis à profit par les Go-Betweens ou par le camarade Robyn Hitchcock. L’ancien Soft Boys est d’ailleurs de la partie, trimballant chœurs et guitares sur le mid-tempo « Trouble Again », l’un des dix jalons de cette reconquête adroitement fomentée.
Entouré par sa garde rapprochée, constituée notamment de Bernd Rest (Rosie Brown), Ben Nicholls (Kings of the South Seas) ou Chris Anderson (The Crayola Lantern, Departure Lounge), Tim Keegan offre le spectacle réjouissant d’un artiste convaincu des vertus d’un enregistrement collectif, là où ses prestations live le présentent pourtant le plus souvent en configuration solo. Le style, que l’on pourrait qualifier d' »americana à la sauce anglaise » (« The Loneliness of Cowardice », « Dear Heart ») est bien sûr immédiatement reconnaissable, et notre homme donne toujours le sentiment d’entretenir une correspondance régulière avec son complice américain Josh Rouse (« New Songs », « Honeysuckle Rose »).
« The Long Game » sort en toute discrétion sur le propre label de Tim Keegan. On l’aurait pourtant bien vu rejoindre le prestigieux catalogue de Tapete Records, devenu depuis quelques saisons la terre d’accueil des plus fines gâchettes de la pop anglo-saxonne (Robert Forster, The Lilac Time, Lloyd Cole, Bill Pritchard…). Mais vous l’aurez compris : qu’importe l’étiquette, l’acquisition de ce petit bijou est de toute façon plus que conseillée.