Sarah Cracknell, chanteuse en chef de Saint-Etienne depuis maintenant 25 ans, ne se livre en solo qu’avec parcimonie. « Lipslide », son dernier album sous son nom avant « Red Kite », datait ainsi de … 1997. Ce disque contenait notamment le splendide « Ready or Not », qui sera ensuite popularisé en France par Etienne Daho sous le titre « Le premier jour (du reste de ta vie) ». Ce premier essai ne différait pas vraiment d’un album de Saint-Etienne, en ce sens que l’on retrouvait tous les ingrédients qui ont fait le succès du groupe : un savant mélange de sonorités électroniques et synthétiques avec un réel talent dans le songwriting. Mais il en ressortait une petite frustration, car on attend toujours d’un album solo d’un membre de groupe qu’il explore des pistes musicales qui ne peuvent être abordées par la formation.
Pour ce nouvel album, Sarah Cracknell a décidé de changer de ton en explorant la voie ouverte par quelques morceaux cachés au milieu des albums de Saint-Etienne, et qui en différaient par leur caractère plus organique et intimiste. La voix de Sarah Cracknell s’est, depuis quelques années, recouverte d’un léger voile, ce qui ne fait que renforcer le charme de cet album, et résonne tout particulièrement sur les titres folk (la magnifique « You Take the Silver », réhaussée de cordes du plus bel effet, « Rag Doll »). Les compositions de l’album, à dominante acoustique, flottent dans l’air, comme le cerf-volant rouge qui donne son titre à l’album. « Underneath the Stars », magnifique balade à la Mazzy Star, avec ses tambourins et sa batterie reverbérée, mène Sarah Cracknell sur un registre mélancolique qui lui sied diablement bien. « On the Swings » virevolte dans l’air, « It’s Never Too Late » enchante par son celesta et sa flûte. Même lorsque les morceaux se font plus électriques (« I’m Not Your enemy »), la voix de la chanteuse se faufile en douceur entre les accords et s’inscrit dans le même registre que la troublante Jennifer Charles d’Elysian Fields.
Ce « cerf-volant rouge » résonne dans ma tête comme un écho du film d’Albert Lamorisse, « Le ballon rouge », chef-d’oeuvre d’onirisme et de beauté. Sans âge et pourtant nostalgique, et finalement totalement intemporel. Et une belle occasion de découvrir Sarah Cracknell loin des beats électroniques de Saint-Etienne. Les albums du groupe sont irréprochables, mais cet album en constitue un complément indispensable.