Avec sa production pas vraiment pléthorique (cinq albums en vingt ans), on aurait tendance à l’oublier, l’ami Perio ; mais comme on est du genre affectif, on a toujours dans un coin de tête l’excellent souvenir de « The Great Divide« , sorti en 2007, après deux albums sortis chez Lithium.
Le talent mélodique du groupe emmené par Eric Deleporte est toujours intact, et s’il a perdu un peu de verve guitareuse folk, il semble même avoir gagné en profondeur – mais peut-être est-ce lié à la production plus travaillée, aérée, déployée sur ce nouvel album, qui sort, comme son nom l’indique, dans la série « 30 minutes with » d’Objet Disque, label à tête chercheuse s’il en est.
Perio hésite encore entre la décontraction et la noirceur, et ça lui va très bien : on oscille toujours, à l’écoute de cette demi-heure, entre une pop folk aérée, aux origines plutôt américaines, et un sens du tragique plus universel. La voix y est pour beaucoup, qui joue sans cesse entre ces deux registres avec une expressivité remarquable. Les ballades telles que « Woman Uncalled », tranquillement entêtant, ou le lyrique « W » sont d’une fraîcheur qui leur prodigue ce petit goût de reviens-y – un peu comme chez H-Burns.
C’est pourtant quand le groupe penche franchement sur le second versant, celui à l’ubac donc, qu’il est le meilleur. C’est le cas sur « I Got Moonburnt » (cf le beau clip signé Christophe Galleron ci-dessous) aux paroles intrigantes, celles d’une rencontre à l’ambiance tellement feutrée qu’elle en devient doucement érotique : « She covered my head, with a shirt, so that I don’t get moonburnt » (le lecteur qui trouvera une traduction emballante à « moonburnt » recevra la considération de la rédaction). Un titre envoûtant, à l’histoire parfaitemente mise en récit (si néanmoins on ferme les yeux sur l’oubli du subjonctif dans la phrase citée ci-dessus), et l’un des sommets de l’album dans une veine que n’aurait pas reniée Vic Chesnutt.
La palme revient néanmoins peut-être au dernier morceau, encore un titre à l’ambiance crépusculaire, « See It Coming », lancinant à souhait, et qui n’est pas sans rappeler un autre discret faiseur de pop atmosphérique à lorgner vers les States, Manuel Etienne.
Bref, le nouvel album de Perio est un objet doucement ovniesque, échappant subtilement à ses propres influences, et extrêmement attachant – le genre d’album qui vous accompagne sur quelques mois, et puis que vous ressortez de l’étagère, après l’avoir un peu oublié, avec bonheur.
Des vétérans toujours verts de l’indie français à Petit Bain – POPnews
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