Après leur premier EP sorti en 2014 puis le deux titres ce mois-ci, on attend avec hâte le premier album de Grand Blanc. Rencontre avec les quatre membres du groupe après leur prestation au festival Spiderland.
Vous avez eu un très bon accueil avec votre EP sorti l’an dernier. Aujourd’hui où en êtes-vous ?
On a pas mal rôdé nos chansons en concert. On en a fait un certain nombre depuis septembre. Ça devient évidemment plus agréable de jouer car on a moins peur de se tromper. On s’amuse bien maintenant !
En ce moment nous travaillons à l’écriture de l’album. On a eu un petit moment de creux après le EP. C’est un peu compliqué d’écrire tout en tournant mais on y arrive maintenant par la force des choses. Pour le EP, c’était notre premier disque, c’est aussi notre premier vrai groupe et c’est vrai qu’on a pas bien compris ce qui nous arrivait lorsqu’on a vu l’accueil du disque. On s’est posé pas mal de questions parce qu’on est très jeune dans le métier. C’est aussi accaparant de lire des chroniques qui ne sont pas toutes bonnes. Aujourd’hui, nous sommes à une période où l’on se dit qu’il faut lâcher du leste. On est là parce qu’on a fait de la musique dans nos chambres entre potes et qu’on a fait ce qu’on voulait faire et ce qu’on aimait faire. On a envie de continuer là-dedans sans trop se poser de questions.
Montparnasse et Nord viennent de sortir sur un deux titres. D’où viennent-elles ?
Il s’agit de deux anciens morceaux qu’on aime beaucoup. Ils ont été écrits au début du groupe, il y a deux ans. On ne les voyait pas sur l’album. Aujourd’hui, on souhaite tourner la page de ce qu’on a écrit avant l’EP. On a changé, nos goûts, nos influences aussi et on est en paix aussi avec ce qu’on a écrit à nos débuts.
Vous avez pas mal tourné avec Fauve. Êtes-vous sensibles à leur musique. Ils traitent des invisibles et vous des petites frappes…
C’est bien résumé ! Effectivement on a beaucoup de choses en commun. On traite notamment des mêmes thématiques : la normalité, le « What the Fuck » permanent et silencieux. On se connaît bien maintenant, on parle beaucoup ensemble. Simplement, on a des trajectoires différentes face à une même réalité. On apprécie leur entièreté de ne pas être des « artistes », de prendre des vrais mots du quotidien, de coller de manière très dure avec ce truc de « on ne vas pas tricher ». Musicalement, on est assez éloigné mais ce souci du quotidien nous touche beaucoup.
Dans Fauve il n’y pas de fiction. Et pour vous ? Qu’est ce que vous mettez de votre personne ?
Rien. On est totalement dans la forme, dans un certain maniérisme même.
Benoît, tu as fait des études de Lettres. Est-ce que ça a une influence sur ton travail aujourd’hui ?
Lorsque tu apprends la littérature dans une académie, tu apprends un académisme, pas la littérature. Par contre tu acquières des outils qui bien évidemment peuvent servir à appréhender un texte. Lorsque j’ai commencé à écrire, je ne m’y retrouvais pas, car je faisais appel à trop de procédés, il n’y avait rien de moi-même. C’était assez pesant, surtout l’idée du génie et de liberté créatrice qui polluent beaucoup de choses. Il y avait l’idée du mythe créateur du genre Rimbaud a écrit ce qu’il a écrit parce que c’était Rimbaud, c’était un génie. Je trouvais ça vraiment puéril comme idée. En savoir trop sur un auteur, sur le contexte m’a toujours gêné. Ça vérole beaucoup de choses. Dans nos textes, on a choisi d’arrêter de vouloir exprimer des choses trop compliquées. On s’est dit qu’on était ce qu’on était, que c’était pas forcément très sexy, mais qu’il y avait une vérité au fond de ça, qu’on essaye de trouver, pas forcément avec de longs discours, mais juste dans le son et avec quelques mots.
Est-ce que cela veut dire que l’écriture d’une chanson peut être très rapide ?
Cela arrive parfois. Pour moi en général, l’écriture d’une chanson, son montage est assez rapide. Par contre en amont, il y a beaucoup de procrastination, d’attente d’une envie pour faire. Ensuite, tu récupères des homophonies, des jeux de mots, métaphores qui font qu’à un moment tu as suffisamment de matières pour te constituer une espèce de corpus, suffisamment de mots qui se répondent qu’il faut faire vivre en chantant.
J’ai l’impression qu’en ce moment, la durée entre la sortie du EP et du premier album est de plus en plus longue chez les groupes. Je pense à Feu! Chatterton ou Radio Elvis qui comme vous vont sortir leur premier disque plus d’un an après le premier EP.
C’est une histoire de timing. Grand Blanc est un groupe formé il y a peu. Après le EP, on est vite tombé dans les concerts, dans la promo, ce genre de choses. C’était nouveau pour nous et de fait très accaparant puisqu’on ne connaissait rien du métier. Nous n’avions pas forcément la force, le temps d’écrire rapidement. Nous sommes rentrés en phase d’écriture récemment. On nous a laissé vraiment le temps de le faire.
Ça paraît assez incompatible avec la volonté d’un certain nombre de maisons de disques à vouloir créer du buzz.
Oui. Ça nous en s’en fout. De toute façon, on avait besoin de recul. Pendant tout ce temps, on a écouté beaucoup de musique, on a accumulé beaucoup de choses pendant les concerts, on a lu des bouquins, discuté entre nous. Tout ça actuellement on est entrain de le mettre dans notre musique. On ne pouvait pas le faire plus vite. Et puis, si tu veux être intègre, tu ne peux pas considérer l’idée de Buzz pour ta musique.
Benoît, quel rapport as-tu avec ta voix qui est assez reconnaissable et particulière.
Elle est inventée cette voix. C’est un masque. C’est le bas de ma tessiture, l’extrême bas. Elle est aussi maniérée volontairement. Avant je ne chantais pas comme ça. Je me plaçais un peu plus haut. Ça compte beaucoup pour moi que cette voix ne soit pas réellement la mienne. C’est une voix qui reste dans ma tessiture, qui reste audible mais il y a l’idée de violenter un peu le corps pour dire autre chose. Ensuite plus jeune j’ai fait beaucoup d’orthophonie, ma voix me mettait pas mal dans la merde. Je n’arrivais pas à articuler correctement, les gamins se foutait un peu de moi à cause de ça et puis aussi parce que j’étais nul au foot. Moi, à part la guitare et le skateboard… Ce sont les deux meilleures idées que j’ai eues dans la vie… Bref, cette idée d’avoir un masque, c’est important pour moi. J’ai sans doute certaines choses à cacher.
Je crois avoir lu que vous avez eu une période chanson néo réaliste, la Rue Kétanou etc..
Oui moi, (Benoît, le reste du groupe réfute catégoriquement). J’ai appris à chanter en gueulant sur des chansons de Mano Solo. Ils ne me suivent pas du tout là-dessus. Ils se foutent de ma gueule quand je dis qu’il y a des morceaux des Têtes Raides qui sont formidables. D’autres dans le groupe ont écouté du Néo Métal ou voulaient être Street Cred en jouant de la guitare alors qu’ils adoraient le R’n’B. On a aussi un fan de Blink 182 ou encore de U2. On a tous des casseroles.
Vous avez aussi fait du Folk. Comment est-ce qu’on passe du Folk à ce que vous faites aujourd’hui ?
Bon, c’était du folk un peu chelou. On faisait une sorte Noise avec contrebasse. On ne cherchait pas le coté propret du Folk mais plutôt le coté sombre. Moi, je jouais beaucoup de guitare classique. Instinctivement avec Luc et Camille qui ont fait le conservatoire, on s’est d’abord tourné vers le Folk par ce que ça nous semblait assez simple. On ajoutait des percus, des arrangements de voix. Aujourd’hui, on s’est éloigné de ça même si on se sent proche de groupes de Dark Folk comme Death in June.
L’album est quasiment fait ?
Non… (rires…) Ça avance. On a pas trop envie d’y penser parce qu’on se chie dessus et pas trop envie d’en parler aussi parce qu’on n’a pas envie de se cramer ! On prend le temps d’y travailler. On a déjà plusieurs morceaux et on commence à en être au point de formuler un propos général du genre entre celle-là et celle-là, il se passe quelque chose.
Il y a deux opposés : l’album collecte de chansons et le concept album. On cherche vraiment à raconter une histoire. Il faut effectivement un propos, un liant. On pense beaucoup aux comédies musicales même si on sait qu’on n’en fera jamais, mais on a envie de moments, d’ambiances qui ressortent de cet album.
Vos clips sont bien foutus. Comment ça se finance ?
On fait tout à l’arrache. Camille en a réalisé un avec Lucas Doméjean. Le Conseil Général de la Moselle nous a aidé. On a taxé une caméra à des potes. Ça ne nous coûte pas grand chose. Récemment, on s’est fait tailler parce que soit disant on était un groupe blindé de subventions… Le mec qui a écrit ça, qu’il vienne sur un tournage de clip de Grand Blanc.