Rentrons immédiatement dans le vif du sujet. Oui, dès « Strange Hellos », morceau d’ouverture du disque, le nom de PJ Harvey nous vient immédiatement à l’esprit. Comme sur l’inusable « Dry », le texte est très personnel et appuyé avec subtilité par les nuances du chant. On y retrouve également une rythmique basée sur l’alternance calme/tempête. Et pour combler le tout, Torres est allée recruter Rob Ellis, le producteur (entre autre) de « Dry ». Question crédibilité et affirmation d’identité c’est une sacrée prise de risque. PJ en est à un stade de sa carrière où son influence sur une nouvelle génération d’artistes est évidente, mais penser que Torres a cherché à s’en inspirer ou à la copier serait une erreur.
Car « Sprinter » est l’un des albums les plus sincères et touchants de cette première moitié 2015. Il mérite, de par sa variété, de dépasser le cap d’une impression laissée par le premier titre. En pleine période de transition suite à un déménagement de Nashville à New York, la genèse de « Sprinter » n’a pas été des plus simples. Déprimée, hantée par le doute et en lutte permanente pour communiquer à travers ses chansons ce qu’elle n’arrive pas à exprimer à ses proches, Scott Mackenzie réussit l’exploit de retranscrire ses émotions de façon troublante. « The Exchange », qui clôt l’album et parle d’adoption en est l’exemple parfait. Sur ce titre, simplement accompagnée d’une guitare, elle se livre sans aucune pudeur « Mother, father, i’m underwater and I don’t think you can pull me out of this. I am afraid to see my heroes age, I am afraid of disintegration ». Les références à la religion sont souvent présentes, que ce soit frontalement sur « Sprinter » ou plus subtilement sur d’autres titres. Si les sujets sont loin d’être légers, la plus grosse réussite du disque reste leur adéquation parfaite avec le chant de Scott et la musique. Le ton trouvé est toujours juste, que ce soit sur le tubesque « Sprinter » ou le plus minimal « A Proper Polish Welcome » par exemple. Scott et Rob Ellis ont réussi le tour de force de produire un album grave et subtil à la fois, qui ne plombe l’auditeur à aucun moment. A en juger par le grand écart réalisé entre ses deux albums, nous tenons avec Torres une artiste rare qui d’ici quelques années finira comme PJ par faire des émules.