En prenant le parti d’amender ses chansons minimalistes à grand renfort d’orchestrations toujours plus étoffées, Tony Dekker a peu à peu privé ses Great Lake Swimmers de leur originalité. Trop respectueux des conventions folk-rock, le projet a ainsi clairement perdu en intensité à mesure qu’il gagnait en efficacité. C’est le triste constat que nous tirions à l’écoute du décevant « New Wild Everywhere » (2012), premier véritable faux-pas d’un parcours discographique jusque-là irréprochable. Autant dire que c’est avec une bonne dose de circonspection que fut accueilli chez nous cette sixième fournée, faisant suite à une brève escapade solitaire du barbu leader (« Prayer of the Woods », 2013). Après avoir posé ses micros dans une ancienne église ou dans un silo à grains désaffecté pour ses disques précédents, la bande a cette fois-ci enregistré quelques-unes de ses nouvelles chansons dans une grotte de l’Ontario. En se fondant dans un tel décor, Tony Dekker n’était pas près d’abandonner les considérations écologiques et le goût de la nature préservée qui ont toujours peuplé son imaginaire. Pourtant, s’il retrouve par endroits un peu de l’attraction élémentaire de ses débuts acoustiques (« Don’t Leave Me Hanging », « The Great Bear »), son groupe ressemble vraiment de plus en plus à une version canadienne des retraités de R.E.M. (« One More Charge at the Red Cape »). Tout cela demeure très agréable, parfaitement écrit et soutenu par une équipe soudée et plus que jamais sûre de son fait. On ne pourra néanmoins s’empêcher de regretter l’absence de prise de risque, le côté conservateur de ce folk-rock sans doute déjà condamné au bégaiement à perpétuité et qui sut autrefois atteindre des sommets autrement plus poignants (l’indépassable « Lost Channels »). Reste que si les Torontois nous font moins souvent frissonner que par le passé, ils sont encore aujourd’hui l’une des valeurs sûres de leur catégorie.
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