Difficile de passer outre les débats sur l’utilité et la qualité du nouvel album de Blur. Le groupe ne semble pas laisser indifférent : soit on l’aime, soit on le déteste. Enfin, on déteste surtout Damon Albarn. Il est cependant indéniable que tout au long de sa carrière, Blur a su se réinventer et imposer une vision intelligente de la pop music au plus grand nombre. Classer un chef-d’œuvre de pop malade comme « 13 » à la tête des charts n’est pas donné à tout le monde. Quoi qu’il en soit, faisant partie du clan des inconditionnels du groupe, il m’a tout de même fallu une bonne trentaine d’écoutes avant d’arriver à cerner, digérer et me faire ma propre opinion sur « The Magic Whip ».
Alors, me direz-vous ? Alors, considérant que le disque est issu d’une séance de cinq jours en studio et a été retravaillé séparément par chaque membre du groupe un an et demi après, le résultat a de quoi impressionner. Mais cela reste un détail. Ce qui frappe surtout, c’est que, malgré le gros investissement de Graham Coxon pour structurer ces heures d’enregistrements, on a tout d’abord l’impression d’écouter une sorte de résumé de la carrière d’Albarn. « Lonesome Street » sonne comme du Blur classique, « New World Towers » comme du The Good, The Bad And The Queen, « Ghost Ship » bénéficie d’un son de basse à la Gorillaz et « My Terracota Heart » n’aurait pas déparé sur « Everyday Robots », l’album solo de Damon. Pourtant, après plusieurs écoutes, le jeu de guitare inimitable de Graham semble de plus en plus se dévoiler et apporter structure et cohérence au disque. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on réalise à quel point cet album est bien plus riche qu’on ne le pense. Mais surtout à quel point Blur n’est pas vraiment Blur sans l’investissement de Graham, malgré tout le bien que l’on peut penser de « Think Tank », enregistré presque sans lui.
Si « Ice Cream Man » et « Ong Ong », morceaux trop légers et peu inspirés, cassent la dynamique de l’album, le reste du disque étonne par la qualité des compositions et de la production. De retour aux manettes, Stephen Street semble s’affranchir de ses projets passés et parvient, malgré les expérimentations et la diversité des styles, à faire évoluer le son du groupe. Ainsi, « Go Out » ou bien « Though I Was A Spaceman » et « Lonesome Street » s’inscrivent parmi les meilleurs morceaux de Blur. Pourtant, ces trois titres ne se ressemblent en rien.
Si Blur ne signe pas son plus grand disque avec « The Magic Whip », il n’en passe vraiment pas loin avec un album inventif et pertinent, n’en déplaise aux puristes. Je donne un coup de fouet (« whip ») au premier qui ose me dire le contraire !