Du monde, des copains qui se rajoutent à une belle affiche : le Fair Tour fait étape en Gironde au Krakatoa, et avec Baden Baden et Chapelier Fou, fait dans l’éclectisme mais aussi la qualité. Les deux groupes sont auteurs dans les derniers mois de disques très réussis (“Mille éclairs” pour les premiers, “Deltas” pour les seconds), ce qui leur vaut une audience plutôt fournie alors que l’invité local, Thomas Skrobek, est sur scène.
Sa casquette avec une petite hélice dessus, sa façon de se comporter entre les morceaux, entre désinvolture et humour décalé, me le rendent sympathique. Son folk, en français majoritairement, est plutôt bien fait, bien exécuté, et même dense bien qu’il soit seul sur scène. Le set très court ne me permet pas de me faire une opinion plus avancée, mais je l’ajoute avec plaisir à ma liste d’artistes à suivre avec attention. (ça fait bien dit comme ça, non ?)
A Baden Baden de prendre la suite. Je suis probablement conquis d’avance, ayant énormément apprécié leur disque “Mille éclairs”, sorti début février, mais cette prestation m’a un peu laissé sur ma faim. Les cinq Français sont répartis sur la scène, mais sans doute un peu loin les uns des autres : un détail qui pourtant se fait ressentir dans l’énergie que véhicule le groupe, un peu en retrait, comme s’ils n’arrivaient pas à pleinement porter sur scène leurs magnifiques chansons, qui sont souvent dans une sphère intime. Cela ne gâche toutefois ni les mélodies, ni mon plaisir à entendre sur scène “Evidemment”, “Hivers”, “A tes côtés” ou encore “J’ai plongé dans le bruit”, interprétées avec conviction. Mais il m’a manqué une petite étincelle, pour qu’au lieu de quelques éclairs, il y en ait mille…
Le temps du changement de plateau est suffisant pour faire monter l’excitation de revoir Chapelier Fou (pour la première fois pour moi) en quatuor. Il y a quatre pupitres en quelque sorte avec une multitude de machines, et les musiciens vont donc évoluer en formation serrée. Celle-ci leur permet d’exprimer une vraie complicité, et un sens de la mise en scène assumé et réussi, c’est très vivant et se met au diapason d’une prestation musicale de très haut niveau.
La technicité des musiciens est une chose, mais elle n’est pas la seule essence du concert, car elle est parfaitement utilisée pour tordre les morceaux au gré de breaks, de changement de rythmes, d’audaces qui sont le sel de la musique du Chapelier Fou, mais à l’effet décuplé en live. Si un titre comme “Tea, Tea, Tea” (aux vraies allures de single) ou le toujours superbe “Les métamorphoses du vide” fonctionnent forcément à plein, ce sont bien des morceaux comme “I_O”, “Triads for Two” ou le déploiement de “Pluisme” qui ravissent. L’audace est réelle, celle de proposer une musique “savante” mais très créative, dont la forme est d’autant plus mise en valeur qu’il y a un travail sur les lumières, les tenues (tous arborent des tenues aux couleurs du disque), en plus d’un son parfait. La bonne entente qui règne sur scène entre les musiciens n’est pas feinte, elle encourage les digressions que leur maîtrise instrumentale autorise. Plus qu’un simple trio d’accompagnement, ils ont su épaissir le son de Chapelier Fou pour le rendre au final encore plus riche et vivant. La très grande classe : bravo Louis, Chaton, Camille et Maxime, vous revenez quand vous voulez !