Pour cette soirée sous le signe du français, ce sont Manu et Eva, qui ont déjà régalé avec la programmation du Black Bass festival (dont on vous avait longuement parlé), qui ont su concocter un plateau de choix. A un tandem Olivier Depardon / Michel Cloup Duo s’est en effet ajouté Parad, coup de coeur personnel de l’an passé. Voilà une affiche cohérente, de bon aloi (comme les soirées précédemment organisées par Manu et Eva, avec entre autres Jesus Christ Fashion Barbe ou Laetitia Sheriff).
Hélas, quand on descend dans la cale, que Laurent Paradot commence son show avec sa basse, c’est la déception de constater une absence totale ou presque de public qui me frappe. Où sont les gens ? Mais bon, ce n’est pas une raison pour ne pas suivre ce qui se passe sur scène, avec Parad en duo (pas de violoncelle, ce sera un duo basse-batterie) qui déroule pendant 45 minutes. Et quel set ! On savait que le groupe avait un répertoire très convaincant, ça se confirme sur scène, y compris dans une formation plus brute : Laurent Paradot peut tout faire avec sa basse, son batteur est une locomotive, et les textes sont toujours aussi percutants. Que ce soit dans une veine caustique (“Ce goût immodéré”) ou plus sèche (“Encéphalogramme plat”, “Jurer de rien”), les textes confirment à chaque fois leur force. Mais il n’y a rien de pesant là-dedans : il y a un lancer de vinyles dans le public (!) pour cause… d’erreur sur le titre à la fabrication, des petites “blagues”, qui font au final oublier le côté clairsemé du public. Je ressors convaincu, une fois de plus, par Parad.
La suite est confiée à Olivier Depardon. De l’oeuvre de l’ex-Virago, je ne connais que son dernier disque, le très bon “Les Saisons du silence”. Est-ce que j’étais pour autant préparé à une telle prestation ? Non. Mais quelle claque, quelle claque ! Ils sont trois, regroupés sur la scène et Olivier Depardon, sur la gauche de celle-ci, finit par sortir de l’ombre sur “Un inventaire”, et le trio commence alors à hausser le ton. La puissance du groupe, impressionnante car allant presque s’aventurer sur un terrain post-rock, est au diapason de la force des textes. Chaque chanson élève le niveau, ça prend aux tripes, c’est aussi l‘expression d’une plénitude pour ce trio, qui dégage un charisme incroyable, sans fioritures, tout en sincérité. Sur le final “Tout arrive”, on se dit que l’iBoat va couler tellement le son est renversant. Rien de tout ça évidemment, mais il reste, après le concert, une longue impression d’avoir été soufflé.
Il fallait bien un artiste aussi accompli que Michel Cloup, en duo (pour la dernière fois) avec Patrice Cartier, pour prendre la suite. C’est très différent, comme impression, comme ambiance. Michel Cloup prend la scène, il en impose, et c’est plus qu’une simple formule. L’affaire durera une heure, le temps de quelques morceaux, de frissons, d’une sobriété qui habite l’espace, charrie les émotions (“Notre silence”, “J’ai peur de nous”, “Le cercle parfait”), laisse un peu les frissons à l’état brut. La frappe précise de Philippe Cartier est le parfait équilibre de la guitare baryton de Michel Cloup, et sa voix incarne comme jamais ces textes à hauteur d’homme. La fin laisse le bateau pantelant. Derrière, c’est “boîte de nuit” annonce Michel Cloup. La décompression pour ma part se fera plus en douceur, le temps de se remémorer le souvenir d’une soirée de rock français, parfaite de bout en bout. Un beau souvenir, assurément, consécration du courage de deux programmateurs qui ont gâté un trop rare public.