Son nouvel album « Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit », à peine sorti, tout semble s’emballer très vite pour Courtney Barnett. Rempli de chansons à l’efficacité sidérante, il n’est pas compliqué de comprendre pourquoi. Malgré un emploi du temps de ministre, Courtney a pris le temps de répondre à nos questions. Et de nous parler de sa passion pour le jazz.
Tu as énormément tourné depuis la parution de la compilation de EPs « A Sea Of Split Peas ». L’album a t-il été enregistré dans des conditions du live pour bénéficier de l’énergie des concerts ?
Oui il l’a été. Je préfère enregistrer dans les conditions du live. Nous avons tellement fait de concerts ensemble qu’il y a une réelle synergie entre nous. Il aurait été dommage de ne pas essayer de capturer cette énergie sur ce disque.
L’album a été enregistré en 10 jours. Est-ce une décision volontaire ?
Oui, au moment de réserver le studio, je me suis demandé de combien de jours nous aurions besoin. C’est mon premier album donc ce n’était pas facile à estimer. J’en suis venu à la conclusion que je ne voulais pas enregistrer trop rapidement, mais d’un autre côté je ne voulais pas nom plus avoir trop de temps pour analyser les moindres détails des chansons. Dix jours était un bon compromis. C’était parfait car ça donnait un aspect d’urgence au son des chansons. Au final nous n’aurions pas vraiment eu besoin de plus de temps.
Le son du disque se démarque de « A Sea Of Split Peas ». Avais tu des références en tête lors de l’enregistrement de « Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit » ?
Pour moi il s’inscrit dans une évolution logique. Mes idées et observations nécessitaient une approche avec un son plus brut. Ce son est également celui qui s’est imposé au fil des concerts, même pour les morceaux plus anciens. Au niveau des disques écoutés pendant cette période, ce sont toujours les mêmes qu’à mes débuts. Principalement Wilco et Stephen Malkmus.
A quel moment les chansons de ce nouvel album ont-t-elles été composées ?
J’ai commencé à écrire ces chansons dès la sortie de mon deuxième EP. Le reste a été composé en tournée. Je ne m’impose pas de règles strictes pour écrire, j’attends juste qu’une idée me vienne. Mes démos sont enregistrées sur mon téléphone. Je n’en ai pour l’instant jamais enregistré avec le groupe. J’ai un bon paquet de bribes de chansons, juste des idées de mélodies. J’ai dû faire un gros ménage pour sélectionner celles dont j’étais le plus fière avant d’entrer en studio pour ce nouvel album.
Tu dessines les pochettes de tes albums, du merchandising. Est-ce important pour toi de t’investir au-delà de tes chansons ?
Je ne réfléchis pas de cette façon. C’est juste logique pour moi. Dessiner mes pochettes me permet de m’exprimer en complément de mes chansons. C’est avant tout un plaisir, j’adore le faire. Pour moi, ça forme un “tout” artistique.
Comme sur les deux EPs, il y a un mélange de chansons pop et de chansons plus intenses. Pourquoi ce choix ?
C’est simplement le reflet des différents styles de musique que j’écoute. Chaque titre est abordé musicalement en fonction du contenu de mes paroles. Bon parfois je dois t’avouer que mes chansons les plus musclées ont été composées des jours où j’étais particulièrement de mauvaise humeur (rires). Mais ce mélange de chansons sonne tout de même cohérent.
On parle beaucoup de la qualité et de l’originalité de tes textes. Écris-tu également autre choses que les paroles de tes chansons. Aimerais-tu un jour publier quelque chose dans une revue, écrire un livre ?
Probablement. C’est quelque chose qui me plairait car j’écris pas mal de nouvelles et de poèmes. Il faudra qu’un jour je prenne le temps de revenir sur ce que j’ai écrit et que j’en tire quelque chose.
D’où te vient cette envie de décrire des scènes de vie dans tes chansons ?
Pour moi c’est comme un processus qui me permet de faire le tri dans mes pensées. Si par exemple quelque chose m’agace, je le note dans mon carnet. J’essaie par la même occasion d’approfondir ma réaction et de définir ce que je ressens réellement par rapport à cette situation donnée. Une fois retranscrit en chansons j’ai l’impression d’avoir évacué mes mauvaises pensées, de m’en être complètement débarrassé. A l’opposé, ça me fait un bien fou chaque fois que je chante une chanson relatant des moments heureux. Ces textes sont thérapeutiques pour moi. De l’extérieur tu peux aussi les interpréter comme une lecture de mon agenda avec le détail de tout ce que j’ai fait ces derniers mois (rires).
L’album a été enregistré il y a un an. Pourquoi ne sort-il que maintenant ?
Nous avons beaucoup tourné pour la promotion de « A Sea Of Split Peas ». Entretemps il a fallu caler le mixage, le mastering, préparer l’artwork. C’est du boulot. Les deux EPs précédents ont demandé entre six et sept mois entre le moment où ils ont été enregistrés et le moment où ils sont sortis. C’est un sacré travail d’organisation. La tournée étant épuisante, j’ai aussi pris du temps pour moi pour profiter de ma famille et de mes amis.
As tu beaucoup composé depuis et si oui à quoi faut-il s’attendre pour le prochain disque ?
J’ai beaucoup de chansons en stock, mais je n’ai pas encore commencé à réfléchir à la suite. J’ai trop de choses en tête en ce moment avec la sortie du nouveau disque.
Les critiques font beaucoup de références aux années 90 quand ils parlent de ton nouvel album. Comment le prends-tu ?
Je pense qu’on ne peut pas le leur reprocher car notre son sonne un peu 90s. J’ai entendu pas mal de gens dire que l’album sonnait années 60. C’est marrant, chacun semble y trouver des références en fonction de ses propres goûts musicaux. Mais bon il faut bien que mon disque sonne comme quelque chose (rires)
Une image slacker t’a été collée par la presse. Pourtant, de mon point de vue, tu donnes plutôt l’impression de bosser dur ! Comment te décrirais-tu pour casser cette image ?
On parlait du son 90s à l’instant. Pour moi, c’est juste un raccourci lié à ça. Tout le monde doit rentrer dans une catégorie pour les journalistes. Je suis un peu fainéante, certes, mais quand je me mets au boulot, je travaille vraiment dur. C’est un bon équilibre, non ? (rires).
Ton enfance a été bercée par le jazz et la musique classique qu’écoutaient tes parents. Écoutes-tu encore certains albums qui t’ont marquée lors de cette période ?
Évidemment il n’y a aucune de ces influences qui ressort dans ma musique, mais c’est une musique que j’affectionne car nous écoutions certains albums passionnément avec mon père. Pour te citer des exemples de disques que j’écoute encore régulièrement, il y a “Take Five” et “Time Out” de Jeff Brubeck. J’adore les contretemps dans sa musique. J’adore ces disques car ils sont tellement différents de tout ce qui peut se faire, tellement éloignés de la pop music. J’écoute aussi pas mal de disques d’Herbie Hancock, de Louis Armstrong, le “Koln Concert” de Keith Jarret qui est probablement un des albums que j’écoute le plus.