De ce disque, il y a eu les premiers morceaux, les premières images, quelque chose qui a rapidement établi un côté chaleureux, et dont la patine soignée laissait pourtant entrevoir des fêlures touchantes. Il est alors venu le temps de soutenir le projet, qui a grandi et s’est matérialisé. Le travail de Mathieu Persan est à noter : il a su faire de ce CD un objet unique, à la fois séduisant, évolutif (chaque chanson a son illustration, de fait vous pouvez changer la « couverture » du disque) et au style affirmé.
Mais tout cela ne serait rien si le plaisir ne se prolongeait pas quand on insère le disque dans le lecteur. Après un déjà superbe “Supermaan”, Reza se devait de proposer un disque au moins aussi beau, aussi riche en mélodies. Pour cela, aucune crainte à avoir : c’est toujours de la dentelle, c’est fin et léger, et pourtant riche en détails, que la voix profonde de Reza vient souligner avec délicatesse. Il en faut de toute façon pour éviter que l’atmosphère générale, plutôt mélancolique (marquée, si l’on en croit les textes, par des moments douloureux évoqués dans les textes), ne soit trop pesante, et c’est toute la force de ce disque que d’éviter cet écueil.
A une exacte croisée entre la pop et une alt-country sans clichés aucuns, Reza distille de vraies perles mélodiques, évoquant tour à tour Great Lake Swimmers (“A Man With no Country at All”, “Lost Friend”), The Go-Betweens ou autres ascendances subtilement convoquées. Il fallait bien le travail d’Antoine Pinet pour habiller ces chansons, qui décollent avec douceur (“I Promise”), sont zébrées de quelques éclats de guitare électrique (“Room 502” et son refrain accrocheur) ou prennent un pas tranquille (“There Is a Light”, “My Blue Scar”). Rien n’est forcé, rien n’est superflu, et la reprise de Bashung (“La nuit je mens”) confirme l’aisance du musicien pour se fondre dans un univers, l’investir sans ostentation. “Tornado” est de ces disques à l’évidence tranquille, comme un compagnon fidèle, qui garde le même éclat au fil du temps. Le signe d’un grand disque ? Assurément.