Récemment auréolés d’une Victoire de la Musique catégorie rock pour un troisième album qui a plutôt des allures d’électro-pop, The Dø était de passage par la salle rouennaise en bord de Seine.
Alors qu’une interview était prévue avec le tandem formé par Dan Levy et Olivia Merilahti, ce dernier préféra se consacrer à la mise en place de son Zénith parisien du lendemain, ce qui ne nous empêcha pas d’aller apprécier leur troisième passage à Rouen. Déjà accueillis fin 2008 sous chapiteau pour la préfiguration du 106, The Dø avait présenté « A Mouthful » avant de revenir en 2011 pour « Both Ways Open Jaws » dans la grande salle. Celle-ci même où ils jouent « Shake Shook Shaken » à guichets fermés quatre ans après.
On arrive un peu sur le tard pour assister à la première partie, non pas de Jeanne Added mais de Las Aves, eux aussi produits par Dan Levy. Dans la salle, on dénombre une variété de publics venus pour le duo dont les initiales forment une note de musique. Il y a ceux qui ont apprécié le côté « do it yourself » de leurs débuts, ceux qui ont pris le train en marche avec leurs versions amplement instrumentées et les inconditionnels adhérant à l’évolution de style du groupe.
Car The Dø a pris un virage significatif en l’espace de dix ans, délaissant les instruments à cordes au profit de compositions sur machines. Pari risqué et pourtant entièrement assumé. La scénographie intimiste visant à réduire la hauteur sous plafond vient réchauffer des orchestrations oscillant entre électro et techno. Il est vrai que de précédents titres avaient été remixés par des DJ, « Slippery Slope » par Vitalic, « Too Insistent » par Trentmoller et tous deux interprétés ce soir là dans des versions approchantes. C’est peut-être ainsi que Dan a mesuré le potentiel synthétique de ses compositions, inclinaison savamment mise en lumières par l’agence Franz and Fritz sur « Opposite Ways » ou « Lick My Wounds » notamment.
Le groupe déroule avec cohérence le dernier album, de « Keep Your Lips Sealed » à « Miracles » en passant par « Anita No! », le tout agrémenté de figures martiales d’Olivia, entourée furtivement de quatre danseurs. La belle arborera un masque animal sur l’instrumental « Omen ». The Dø ne se privera pas de revenir aux arrangements que l’on connaît pour le tubesque « On my Shoulders » ou même aux guitares, Olivia sur « Trustful Hands » et Dan sur « Aha ». Le duo enchaînera deux rappels s’achevant sur une version dépouillée de « Nature Will Remain », les trois musiciens formant un choeur face à Dan et Olivia dont la voix sera on ne peut plus mise en évidence.
Connus pour revisiter leurs titres, en proposer des enregistrements sous forme de sessions, les morceaux de The Dø revêtent d’autres atours lors des concerts. La tournée de « Both Ways Open Jaws » en demeure la meilleure illustration, certainement plus difficile à faire tourner, de par le nombre de musiciens et d’instruments réunis. « Shake Shook Shaken » traduit une ère d’immatérialité où la musique est moins physique que numérique. De l’ensemble on retiendra un show parfaitement maîtrisé, un charisme indéniable, un son qui ne cherche pas à assourdir de décibels, un champ des possibles allant du ré au si, une direction qui laisse supposer que The Dø sait où aller et le(s) public(s), libre(s) d’apprécier.