« C’était pourtant le meilleur concert qu’on était en train de donner depuis le début de la tournée : on jouait plus fort, on jouait mieux… ».
Nantes, le Café du cinéma. Il est 21 h en ce mardi 10 février 2015, et le groupe Warm Graves est sommé par la police d’arrêter les frais pour cause de tapage « nocturne » après seulement un quart d’heure de concert. La tentation était pourtant grande de continuer à regarder les trois gars (un Américain, un Italien et un Allemand) réunis depuis 2012 à Leipzig reproduire dans un minuscule bar les caravelles de post-rock onirique (« Sci-fi-delic » selon leurs termes) de leur premier album « Ships Will Come ».
Amputés des chœurs omniprésents sur enregistrement, les morceaux planants auraient pu perdre en force évocatrice. Mais en live, la seule voix de Jonas Wehner, bardée de réberb, édifie avec sa guitare saturée des étendues gelées sur lesquelles la batterie, hypnotique boutoir, fait office de brise-glace. Les nappes de claviers, souvent semblables aux orgues, filent la métaphore religieuse enclenchée par le chant, proche de l’incantation, et d’ailleurs enregistré avec 17 choristes dans un cimetière. Dans le titre éponyme de l’album, les coups de guitares lumineux assénés aux architectures rythmiques rappellent « Disintegration » de The Cure, tandis que cette voix multiple jouant sur l’ambivalence entre féminin, masculin et enfantin, s’élève telles les mélodies vocales d’Arcade Fire.
Le disque, écho de thèmes musicaux se répondant, semble être la bande-son d’une terre dévastée, à l’hiver sans fin, dystopie que l’on imagine aisément si l’on se laisse embarquer d’une traite dans cet univers obsédant. Tandis que la pochette de l’album évoque des mondes sous cloche épargnés par une explosion irradiante. C’est peut-être là toute l’ambivalence d’un groupe qui répond à l’oxymore Warm Graves…