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Father John Misty – I Love You, Honeybear

Father John Misty - I Love You, Honeybear

S’extirper d’un groupe ayant bénéficié d’un remarquable succès public et critique pour finalement revenir à une carrière solo initialement débutée dans la plus grande discrétion n’est jamais chose aisée, et le talent ne suffit pas toujours pour maintenir ce type de visibilité acquise de manière collective, loin s’en faut. En exécutant un pas de côté début 2012 en marge de Fleet Foxes où il officiait en tant que batteur et choriste, le trentenaire chevelu et barbu Joshua Tillman a donc sciemment pris un risque, réapparaissant quelques mois plus tard sous une identité neuve, délaissant son alias J. Tillman qu’il utilisait depuis 2003 pour le sobriquet Father John Misty, un peu comme on tourne une page sans pour autant vouloir changer d’histoire.

“I Love You, Honeybear”, deuxième effort utilisant ce pseudonyme, prouve que notre barde du Maryland en a sous la semelle et qu’il n’a pas peur de tutoyer les sommets du classicisme tout en adoptant un parti-pris de production résolument moderne, à l’instar de Phosphorescent, Vetiver, Iron & Wine et autres Castanets. En effet, si l’introductif morceau-titre semble annoncer de façon peu surprenante une ligne directrice d’obédience clairement americana, le sublime “True Affection” sabote admirablement la machine grâce à une rythmique et des sonorités qu’on croirait sorties tout droit du mythique label electro-techno Metroplex fondé à Detroit – fait autant étonnant que palpitant mais unique déviation de ce parcours initiatique.

L’écriture paraît encore plus solide qu’à l’époque de l’entêtant “Everyman Needs A Companion” (morceau final du premier album, “Fear Fun”), ce qui permet au bonhomme et à son équipe d’oser très fréquemment la notion de vertige en termes d’arrangements, chœurs et mélodies. Lorsque ce n’est pas la majesté des cuivres (“Chateau Lobby #4 (in C for Two Virgins)”) ou l’intensité des cordes (“I Went To The Store One Day”, somptueux morceau final) qui emportent nos sens, c’est l’envoûtante bienveillance des harmonies vocales (“When You’re Smiling and Astride Me”) qui s’en charge. On notera également l’importance capitale du titre “Bored In The USA” qui comporte vers la fin quelques strophes ponctuées par l’hilarité d’un lointain faux public, une vraie bonne idée que Suuns avait déjà mise à profit en 2013 sur le morceau “Music Won’t Save You” dans un tout autre style.

Si l’on suppose, en plus de tout cela, que “The Ideal Husband” n’aurait pas dépareillé sur un album de The Long Winters et que l’immense Jimmy Webb aurait adoré composer “Holy Shit”, alors on peut affirmer que Father John Misty tient là son premier véritable chef-d’œuvre.

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