Chacun à leur manière (érudite et sinueuse pour le premier avec Field Music, plus frontale et généreuse pour le second avec Maxïmo Park), Peter Brewis et Paul Smith incarnent une vision novatrice de la pop anglaise. Réunis sous la bannière « Frozen by Sight », les deux hommes s’autorisent aujourd’hui une escapade poétique, en marge de leurs formations principales. S’il faudra savoir passer outre le côté arty de ce projet né d’une commande du Festival of the North East en 2013, leur collaboration vaut assurément le détour. Coproduits par l’autre moitié de Field Music (David Brewis) dans leur studio de Sunderland, les douze titres proposés s’affranchissent souvent des structures pop traditionnelles, pour mieux se laisser dériver au gré de l’inspiration du tandem. Ordonnées comme de somptueux jardins anglais, ces compositions ambitieuses et raffinées finissent par faire leur chemin, de façon plus (« Barcelona (At Eye Level) », « Trevone ») ou moins (« Perth to Bunbury ») immédiate. On pense parfois à Mark Hollis, pour le caractère minimaliste de l’ensemble, mais aussi à XTC, dont le binôme semble vouloir perpétuer une écriture pop hostile à toute forme de facilité. Si l’audacieux Peter Brewis ne se trouve pas foncièrement dépaysé au cœur de cet univers progressiste, on est agréablement surpris par l’aisance avec laquelle son acolyte (qui tient ici le micro, et dont les carnets de voyages ont alimenté les textes de l’album) parvient à se fondre dans un décorum bien éloigné du rock énergique de Maxïmo Park. Plus qu’un simple passe-temps pour deux artistes en panne d’inspiration, « Frozen by Sight » est une belle curiosité, qui renverse en douceur les conformismes de la pop britannique.
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