En cette fin 2014 au Tetris, le public était convié à un voyage. Chassol, tour à tour compositeur de musiques de films, chef d’orchestre, pianiste accompagnant Sébastien Tellier ou encore Phoenix, présentait « Indiamore ». Pièce cinématographique en plusieurs actes, tournée en 2012 aux confins de l’Inde, de Bénarès à Calcutta, « Indiamore » a donné lieu à l’album du même titre publié chez Tricatel, le label de Bertrand Burgalat. Christophe Chassol compose des ultrascores, sonorités qu’il enregistre, sample, diffuse, sur lesquelles il joue, à la façon d’un ciné-concert. Cette démarche, il l’avait initiée précédemment à La Nouvelle Orléans pour « Nola Chérie ». Ce premier film avait donné lieu à une projection devant laquelle le pianiste performait aux côtés du batteur Lawrence Clais. C’est dans cette même configuration qu’ »Indiamore » est donnée à voir et à entendre. Sur scène, le piano et la batterie, plongés dans l’obscurité, se font face. L’écran, au centre des attentions du public, est le lien entre les deux musiciens.
« Two Lines », le propos liminaire de l’album, est celui qui introduit le film. Le texte est projeté et associé à la voix de Chassol : « Il me disait qu’il voyait la musique indienne comme deux lignes horizontales, la première, généralement jouée par un tampura, symbolisait la basse… la seconde représentait la mélodie et ses chemins sinueux… ». Sur « Little Krishna & The Girls », des musiciens en sari jouent et chantent au bord du Gange. Vont alors se succéder différents tableaux sur lesquels Chassol vient poser ses accords. Une femme à la sitar est accompagnée d’un homme au tabla sur « Dosidomifa« . Avec « XIXth Century », c’est l’effervescence de l’urbanité indienne qui est mise en musique au son des klaxons. « Din a Din » est scandé par trois hommes aux visages radieux à l’arrière d’une voiture.
La scène la plus touchante et qui symbolise la joie contagieuse de la musique de Christophe Chassol est à mes yeux « Fiddler in the Street« . On aperçoit des violons suspendus puis quelques photos de musiciens dont Yehudi Menuhin avant de croiser dans la rue un homme, surmonté d’un panier sur la tête, jouant du ravanestron, un petit violon à deux cordes. On assiste ensuite à une succession d’ultrascores. « Ultrathéka n°2 » n’est pas sans évoquer une certaine forme de scat. Des hommes se baignent sur « Ganga », l’un d’eux explique, depuis une barque, l’esprit du fleuve, tel un personnage. Certains passages plus contemplatifs donnent à voir les us locaux sur « River Song ». D’amples mouvements, un homme en sari manipule une cloche puis des enfants récitent une prière dans une école sur « Father ».
Les femmes sont assez peu représentées jusqu’alors mais c’est l’une d’elles qui porte l’hymne « Music is God My Love« . Chassol prend alors la parole pour expliquer sa création avant d’introduire la quatrième et dernière partie qui ouvre sur « Odissi« . On y voit des femmes se faire maquiller dans une école de danse avant de s’adonner avec grâce au bharata natyam. Puis sur « Showing My Friends », Chassol s’entretient avec une petite fille qui lui demande de filmer l’Inde, toute l’Inde, et de montrer les images à ses amis de retour dans son pays. Elle peut être tranquille, Chassol a brillamment mis la consigne en application.
Ce moment de virtuosité sera prochainement prolongé d’un troisième volet. Chassol a puisé dans ses origines pour mettre en image et en musique la Martinique dans son album « Sun » à découvrir le 9 mars 2015.