En son temps, « Micah P. Hinson and the Gospel of Progress » nous avait déjà foudroyés de sa beauté. Puis il y a peu, Talitres l’a ressorti, dans un beau vinyle. Et fortuitement, on a appris que Baptiste W. Hamon, que l’on apprécie beaucoup dans nos pages, était fan du disque. L’occasion était trop belle : le plus célèbre moustachu folk français nous parle de ce disque fondamental.
Te souviens-tu de la première fois que tu as écouté le disque ?
Yes ! C’était chez mes parents à Nice. J’avais reçu en même temps quatre disques : le premier Arcade Fire, l’album de Windsor for the Derby « We Fight Til Death » et l’album éponyme du groupe islandais Slowblow. Quatre excellents albums, dont un phénoménal ovni : « Micah P. Hinson and the Gospel of Progress ».
Est-ce que ça a été un coup de foudre ou non ?
Coup de foudre immédiat, comme rarement ça m’est arrivé. Je cite souvent Townes Van Zandt comme mon influence majeure, car les premières écoutes de ses disques avaient revêtu un caractère quasi mystique pour moi, je m’étais senti comme « appelé » par l’univers du gars. Il n’y a eu que très peu d’artistes ou de disques qui m’aient procuré de telles sensations depuis – Micah P. Hinson est l’un d’entre eux. Il n’y a rien qui me touche plus au monde que cette authenticité criante qui vient te lacérer le tréfonds de l’âme avec grâce.
A-t-il eu une influence sur ta façon de composer, d’écrire ?
Des disques que j’aime écouter n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, cinq ou dix fois de suite, je crois qu’il y en a dix, pas plus. Le premier de Micah en fait partie. Et effectivement il a dû m’influencer d’une façon ou d’une autre dans mon processus d’écriture, car j’essaye d’insuffler dans mes chansons des bouts de vérités que je perçois dans ces disques qui m’ont tant marqué.
Est-ce qu’il y a une chanson sur ce disque que tu aurais rêvé d’écrire ?
« Stand in my Way » peut-être. Il y a quatre phrases dans la chanson, et pourtant c’est un imaginaire pas possible qui s’ouvre devant l’auditeur. Je suis toujours épaté par ces textes courts qui t’emmènent dans une contemplation sans limite. Mais toutes les chansons de l’album sont des tubes et des merveilles de composition et de songwriting. Je me souviens marcher dans les rues de Paris tôt le matin avec « On My Way » à blinde dans les oreilles. Tu sens tes larmes monter, tes colères, tes envies d’avancer, tes souvenirs heureux. Il n’y a pas de mots pour décrire la puissance des émotions que peut me procurer ce genre de chansons.
As-tu suivi ce qu’a fait Micah P Hinson par la suite ?
J’ai écouté tous ses albums, qui sont tous de haute volée. Mais c’est ce premier qui m’a le plus marqué, que j’ai le plus creusé, avec lequel j’ai le plus voyagé. C’est comme un meilleur pote un disque que tu as écouté 100 fois. T’es forcément plus proche de lui que celui que tu n’as écouté « que » 30 fois. D’ailleurs, il semble qu’il y ait des retouches dans l’instrumentation dans la ré-édition 2014, et c’est un peu comme si mon pote s’était coupé la moustache, ça me gêne un peu. Je reprends ma galette de 2004 du coup, comme un vieux conservateur débilos. Mais Talitres fait un boulot remarquable, je suis toujours bluffé à chaque fois qu’ils signent un artiste ou sortent un disque : ils ne se plantent jamais.