Ce Sam Amidon va finir par nous rendre jaloux. Non seulement, le garçon a la chance d’avoir épousé la chanteuse folk la plus douée de sa génération (Beth Orton pour ne pas la nommer), mais en plus le musicien manifeste, album après album, un savoir-faire véritablement hors du commun. Avec cette deuxième livraison pour Nonesuch Records (dans la foulée de « Bright Sunny South » en 2013), le natif du Vermont poursuit une mission aussi risquée qu’intrigante : rénover le matériau folk traditionnel à l’aide d’arrangements modernes et parfois avant-gardistes.
Avec l’aide du guitariste visionnaire Bill Frisell, mais aussi de ses habituels collaborateurs Shahzad Imsaily (basse) et Chris Vatalaro (batterie), le revivalist Amidon s’amuse une nouvelle fois à repenser et retravailler des chansons folkloriques avec lesquelles il semble avoir toujours vécu. Transposées dans l’univers d’un artiste très bien ancré dans la culture du 21ème siècle, ces pièces éclatées du patrimoine musical, tombées pour la plupart dans le domaine public, bénéficient ainsi d’une actualisation aussi improbable que convaincante. Les dix titres de l’album, confiés aux mains expertes du fidèle Valgeir Sigurðsson (Björk, Feist, Bonnie ‘Prince’ Billy), ont été enregistrés en quatre jours seulement. Conserver la spontanéité, le côté brut caractéristique d’une musique distinguée par sa rusticité terrienne, c’est là l’une des nombreuses bonnes idées de « Lily-O ». Clé de voûte de cette fascinante réalisation, le morceau-titre en cumule toutes les qualités. Entamée a cappella par un Sam Amidon dont le timbre de voix se fait toujours plus déchirant, la chanson évolue en une douce rêverie boisée tout juste ornée de quelques coquetteries électroniques. A mi-parcours, la six-cordes aventureuse de Bill Frisell s’avance, ouvrant une faille free-jazz au creux de laquelle tous les futurs paraissent soudain envisageables. Autre temps fort, dans un registre plus conventionnel, la relecture élégante de « Your Lone Journey » offre à la composition de Doc et Rosa Lee Watson une interprétation criante d’authenticité.
Hypnotique, vibrant, respectueux de ses racines et pourtant totalement novateur : avec ce cinquième album qui ose regarder devant, tout en revendiquant ses origines, Sam Amidon s’affirme plus que jamais comme le vrai grand réformateur du folk américain.