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Festivals

Coconut Music Festival – Abbaye aux Dames, Saintes – 26, 27 et 28 septembre 2014

En ce mois d’octobre brutalement frais et pluvieux, il apparaît comme suicidaire d’organiser un festival de plein air le dernier weekend de septembre, et qui plus est de lui donner le nom de Coconut Festival (« la Coconut » pour les intimes). Mais c’est sans tenir compte que cette surprise-party géante, et pourtant à taille humaine (une jauge à 1200 personnes environ, pas plus), se tient à Saintes, Charente-Maritime, autant dire l’équivalent des Bahamas pour un Nantais qui passe la Loire. Le cadre idyllique de l’Abbaye aux Dames, situé en plein centre-ville, accueille pour la seconde édition une programmation alliant paris aventureux et têtes d’affiche d’une nouvelle scène française émergente. Tout ceci sous la houlette des héros locaux Frànçois and the Atlas Mountains, également partie prenante de l’organisation du festival. Compte-rendu impressionniste du dernier weekend radieux de l’été, entre bénévolat journalistique et festivalier…

Abbaye

Le premier soir, il est trop tard pour apprécier le rock psyché à paillettes de Moodoïd quand j’arrive sur le site. Place donc à la reine de la soirée, Christine and the Queens, en fait entourée de deux musiciens et d’autant de danseurs à cette occasion. Petit bout de femme aux longs cheveux auburn, Héloïse Letissier s’impose par une présence scénique rappelant un show de R’n’B américain qui aurait fait ses armes dans les bars de drag-queens londoniens. Chemise blanche, costume androgyne et mocassins noirs, Héloïse accompagne avec maîtrise les pas de danse de ses deux acolytes qui entament à l’occasion une démonstration de break dance. Mais cette prestation, à l’image du festival, reste profondément aux antipodes d’un star system écrasant : « Christine », encore à ses débuts en live, pouffe comme une petite fille en soulignant au milieu de la dernière chanson – « Chaleur humaine », ça ne s’invente pas – que c’est la première fois qu’elle se trompe dans les paroles, mais que « ça restera entre nous ». Le millier de personnes venu l’applaudir gardera le secret, touché par le show d’une diva à voix à la limite de la caricature variétoche quand elle demande dans un vibrato si « toi, public, tu vas bien » ou si tu veux « réveiller la Beyoncé qui est en toi ». Une diva décalée qui, loin de cacher l’éraflure, la porte aux nues dans son électro-pop élégante.

Christine and the Queens

La journée du samedi et du dimanche, l’heure est aussi à la fête dans la cour de l’Abbaye, accessible gratuitement à tous les Saintais. Projections de films, bal folk, tournoi de palet et propositions pour les Cocokids (jeux traditionnels en bois et concert de The New Kids, un trio qui adapte The Ramones pour vos bambins) se succèdent sous le chapiteau écrasé de chaleur. Pendant ce temps-là, le monument résonne des balances de Batida et « La Vérité » répétée par les Atlas Mountains provoque l’envol des pigeons réfugiés dans le vénérable clocher.

Après sa prestation dans le bar du Lieu Unique à Nantes pour le Soy festival 2013, on avait envie de retrouver Sean Nicholas Savage sur une scène à sa mesure, afin que ce crooner canadien au look de lover tirant sur le beauf pervers nous récite ses comptines amoureuses sur deux touches de synthé dans de meilleures conditions. Il semble que la formule idéale soit encore à trouver pour Sean, entre le bar bruyant et la grande scène du Coconut à 20h30. Malgré Touchy aux claviers et Jack Chosef aux drum pads qui occupent l’espace, ses chansons d’amour minimalistes semblaient se perdre ce samedi-là à Saintes dans les premiers rangs d’un public clairsemé et peu attentif, alors qu’une version club où le public serait enclin à savourer son chant et ses postures maniérées paraît plus adaptée.

En stars du coin, copains et mécènes de la Coconut, Frànçois and the Atlas Mountains tiennent la tête d’affiche du weekend avec leur concert vitaminé aux percus (Amaury Ranger est rejoint par un ami percussionniste), leurs sauts chorégraphiés et leur bonne humeur. D’habitude fans des concerts enthousiasmants du groupe, on regrettera que sur un format festival d’1h10 les Saintais s’attardent trop sur des improvisations qui étirent leurs morceaux pop comme pour renier leur immédiateté (« Be water » ou « La Piscine »). Ils s’amusent visiblement mais perdent en route le festivalier qui aurait pu attendre davantage que trois malheureux extraits de « Piano Ombre », leur dernier opus. Par bonheur, le groupe a offert à nos oreilles béates un moment inestimable quelques heures plus tôt en ouverture de soirée. Il s’agissait d’un concert interprété par Frànçois au piano et Amaury à la batterie, accompagnés par une quinzaine d’élèves du Conservatoire de Saintes. En plus de révéler la générosité d’artistes confirmés collaborant avec des musiciens en herbe (Frànçois Marry n’aurait jamais, en son temps, été admis au Conservatoire de sa ville d’origine), c’est l’occasion ou jamais d’entendre deux morceaux de Piano Ombre en acoustique : d’une part le chef d’œuvre de poésie à l’érotisme latent « La fille aux cheveux de soie » avec ses violoncelles lancinants, de l’autre « Bien sûr » et son final tout en cordes tourbillonnantes. L’émouvante « Moitiée » (issu de l’album « Plaine inondable ») clôturera ce concert intimiste qui était à lui seul une raison suffisante pour venir se réchauffer à la « chaleur humaine » d’un festival au carrefour du cool et de l’exigeant.

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