On connaît des artistes qui passent le plus clair de leur temps à tenter de mettre au point la combinaison parfaite, celle qui pourrait les aider à sortir enfin du lot. Toujours inconnus du plus grand nombre, les Soft Hearted Scientists, eux, ont trouvé depuis longtemps déjà la formule magique. Depuis l’aube des années 2000, sans grands moyens mais avec des idées et des rêves plein la tête, le collectif de Cardiff développe avec opiniâtreté son propre écosystème, quelque part entre psyché, folk, et pop progressiste. Leur précédente création, le miraculeux « False Lights » (2013), possédait tous les attributs qui auraient dû permettre à la formation d’accéder enfin à une notoriété plus large. Il n’en fut finalement rien, et c’est sans doute aussi bien comme cela. Si nos scientifiques préférés resteront donc probablement à jamais l’un de ces secrets trop bien gardés dont la scène pop s’est fait une spécialité, on s’en voudrait pourtant de passer sous silence leur nouvelle livraison. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Nathan Hall et ses compagnons ont choisi de ne pas renoncer, laissant libre cours à leur inspiration le temps d’un sixième album particulièrement dense. Elaboré dans trois studios différents et long de près d’une heure, « The Slow Cyclone » se compose en effet de 24 titres, divisés en quatre parties égales. Alternant les véritables chansons (« Hermit Crab », « The Ups and Downs », « Before I Was Born ») et les interludes plus ou moins expérimentaux (« South Shropshire Tales », « The Slow Cyclone », « Jean Vilar »), les Gallois embarquent l’auditeur dans un drôle de trip musical en apesanteur, très peu en phase avec les enjeux de son époque. On imagine mal, en effet, comment cette œuvre particulièrement cohérente et indivisible, sorte d’improbable collision spatiale entre la capsule Air et le vaisseau Pink Floyd de Syd Barrett, pourra se plier au diktat de l’écoute morcelée propre à l’ère du MP3. Les Soft Hearted Scientists se moquent bien de ces considérations, eux qui ont depuis longtemps fait le choix d’une approche totalement déconnectée des modes et des courants dominants. Bien que « The Slow Cyclone » semble donc voué à une inexorable confidentialité, on ne pourra qu’inciter les plus curieux à se laisser emporter dans ce formidable tourbillon rétro-futuriste. Vivement recommandé.
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