Onzième album (déjà!) pour Tricky qui dévoile son vrai nom en guise de titre : « Adrian Thaws ». Le petit génie de Bristol nous a habitués à quelques sautes d’humeur : une radicalité qui peut donner le meilleur (« Maxinquaye » évidemment ou plus récemment « Knowle West Boy ») ou le pire (pour moi, c’est ce concert de 1997, insupportablement percussif, maniéré et agressif, que j’ai quitté après quelques dizaines de minutes). Sur « Adrian Thaws », plus encore qu’à son habitude, Tricky alterne les styles et les invités : de la pop langoureuse plus ou moins acidulée servie notamment par la jeune étoile electro-pop montante Tirzah ; du hip hop mâtiné de punk dynamité par la rappeuse indie Bella Gotti (sur les formidables « Gangster Chronicle » et « Why Don’t You ») ou le disco poisseux du single « Nicotine Love » chanté par la muse Francesca Belmonte. Tricky invite soit des chanteuses anglaises au succès naissant et franc soit Oh Land (par exemple), chanteuse danoise exilée à Brooklyn (tiens!) et dont l’aura s’élargit également.
Mais bon, si l’on est heureux de replonger dans l’univers singulier de Tricky, on se dit aussi que la fusion (le terme est toujours dangereux en musique) des genres à laquelle parvient souvent l’artiste n’est ici pas parfaitement réalisée : les styles se succèdent plus qu’ils ne s’entremêlent. Autre défaut d' »Adrian Thaws » : son manque de punch en début (et dans une moindre mesure en fin) d’album : il faut attendre « Nicotine Love » pour que ça bouge enfin ! Après, c’est sûr, ça déménage avec « Gangster Chronicle » et plus tard « Why Don’t You » mais le soufflé retombe avec la reprise reggae un peu niaise de « Silly Games », tube de Janet Kay en 1979. Bon, je fais peut-être le difficile : on retrouve tout de même sur « Adrian Thaws » pas mal de constantes de Tricky, à commencer par son talent pour produire des disques à la moiteur étouffante, et le disque est loin d’être désagréable. Mais le fait est qu’on est en droit d’attendre de son génial auteur un tout petit peu plus…