Chaque année, Rock en Seine est à la fois un gros rassemblement, mais aussi une façon de clôturer d’une certaine façon l’été. Cette année, les organisateurs peuvent se féliciter de leur succès, malgré le temps maussade, avec 120 000 spectateurs qui sont venus entendre Portishead, St. Vincent, Queens of the Stone Age, Lana Del Rey, Warpaint ou encore Arctic Monkeys. Récit à quatre mains !
Vendredi 22 août
Premier jour du festival francilien, et premier succès avec un site rempli (c’est sold out). Le temps est menaçant quand je pénètre sur le site, et entends vaguement Cage the Elephant puis Jessica 93, le temps de me poser devant la scène Pression Live et les Suédoises de Tiger Bell. Si le son n’est pas forcément parfaitement réglé au départ, c’est pourtant bien la musique idoine pour lancer la journée. Quatre jeunes femmes punk jusqu’au bout des ongles, généreuses et qui ne s’embarrassent pas de fioritures, déroulant leurs tubes (déjà entendus il y a quelques mois à Bordeaux) “Baby, You’re a Murderer”, “Don’t Wanna Hear About Your Band” ou la reprise yaourt de “Ça plane pour moi”. La belle énergie de ces quatre là les portera loin, et a su ravir un public déjà bien présent.
Pégase, dans un style différent, fit aussi très bonne impression sur la scène de l’Industrie. Avec un groupe live très généreux et des compositions qui, à défaut d’être innovantes, sont impeccablement ciselées, d’où ressortent entre autres “Without Reasons” ou “Dreaming Legend”. Toute cette énergie très positive donne indéniablement envie de danser, comme la gestuelle du guitariste très expressif nous le suggère aussi. Une belle mise en jambes, avant de changer de scène pour aller voir Wild Beasts.
Avec derrière eux un très bon quatrième album, les Anglais décrochent la scène de la Cascade, mais pas le pompon. Surtout pas celui du son, car très vite il y a quelque chose qui cloche, à savoir un ampli basse qui déconne à pleins tubes, faisant vibrer chaque organe des spectateurs. Je suppose que ce n’était pas le but, que “Mecca”, “Wanderlust” ou “Simple Beautiful Truth” n’avaient pas du tout besoin de ça. Exit les mediums, les aigus, il faut se contenter d’un brouillon, qui a largement brouillé la perception du groupe. Le problème venait apparemment de la scène elle-même, car il s’est présenté, de façon plus ou moins gênante selon les cas, pour la plupart des groupes qui s’y sont produits.
C’est de loin, sous un arbre pour éviter les quelques gouttes et avant d’aller manger que nous entendrons Crystal Fighters, assurément pas subtils, mais certainement idéaux pour qui aimerait lancer le premier club de fitness indie zumba. Qui aurait pu dire “ça va twerker” à Rock en Seine ? (M.C.)
Pour une quasi-septuagénaire (l’année prochaine), Debbie Harry pète la forme. Blondie est, de loin, le groupe vétéran d’un festival qui a toujours titillé la fibre nostalgique (à l’affiche cette année, une demi-douzaine d’artistes ayant commencé dans les années 90, voire 80). Les Américains font encore recette, et j’aurai eu bien du mal à me rapprocher de la scène Cascade. Pourtant, on ne peut pas franchement dire que le concert était très mémorable. Certes, on aura évité le simple best-of (l’heure allouée aurait de toute façon été trop courte pour jouer tous les tubes), mais les cinq nouveaux morceaux étaient loin d’être inoubliables, et on s’interroge encore sur la pertinence de cette reprise de “Fight for your right (to party)” des Beastie Boys (!). Et entre Clem Burke jouant les Musclor derrière ses fûts et un solo de guitare-clavier très eighties, on a frôlé plus d’une fois la faute de goût. Restait le plaisir de voir et entendre Debbie (malgré une voix un peu limite parfois et une curieuse ressemblance avec Polnareff, jusqu’à ce qu’elle enlève ses lunettes noires) et le toujours classe Chris Stein, et d’entendre en live les éternellement jouissifs “One Way or Another”, “Hanging on the Telephone” (reprise des Nerves), “Atomic”, “Call Me” et bien sûr “Heart of Glass” joué en clôture. Mais le mieux, c’était quand même le double arc-en-ciel apparu au milieu du concert. (V.A.)
Voilà un artiste bien plus jeune pour enchaîner, puisqu’il s’agit du doux branleur de Mac Demarco. Qui démontre d’emblée que l’on peut commencer un concert en 2014 par un “Wasssuuuuupppp” gutural. Le Canadien, au bout de sa tournée, avait encore un zeste d’énergie, très certainement synthétisée à base de bière. Si les chansons de Mac Demarco ne souffrent pas trop du personnage, il y a quelque chose de potentiellement dangereux à se laisser enfermer dans toutes ces digressions scéniques, parfois très attendues (mon collègue Vincent me raconte qu’une semaine plus tôt à la Route du rock, il a déjà fait le coup de la “corde de guitare cassée” pour laisser place à une reprise du “Yellow” de Coldplay beuglée par son bassiste). C’en est presque dommage, mais ça assure aussi le spectacle, comme ce spectateur musclé qui monte sur scène sur une molle jam autour du… “Jammin” de Bob Marley. Le très beau finale “Chamber of Reflection”/“Still Together”, plus les excellents “Blue Boy”, “Salad Days” ou “Ode to Viceroy”, ont toutefois maintenu le concert à un certain seuil de qualité.
Après avoir dû zapper les inquiétants Sud-Africains de Die Antwoord, direction la grande scène pour les Arctic Monkeys. Mieux élevés qu’Oasis, Alex Turner et son groupe ont annoncé que le groupe se mettra en pause après la fin de la tournée : j’imagine sans peine le soulagement de l’organisation en constatant que cela aurait lieu après, et non pile le moment du concert. Si le groupe a beaucoup tourné, il faut croire qu’il attire encore les foules, à en juger par le monde. Les gars de Sheffield ne semblent pas impressionnés, à l’écoute d’un set très musclé, joué vite, fort et bien. Pourtant, si la setlist a tout d’un best-of impeccable, j’ai du mal à me sentir captivé par cette prestation, finalement un peu mécanique, comme un jukebox frénétique. La foule n’a pas l’air de regretter cet emballement, et “I Bet You Look Good on the Dancefloor”, “Brianstorm”, “Crying Lightning”, “Dacing Shoes” ou “Do I Wanna Know” font bouger les premiers rangs. Je reste pour ma part en retrait (à tous les points de vue), mais il semble assez évident qu’un break ne pourra pas faire de mal au groupe. Fin de la soirée pour moi… (M.C.)
Laissant les Arctic Monkeys au bout de 20 minutes (pas d’un immense intérêt de loin, surtout si l’on est pas un inconditionnel), je me rends à la scène de l’Industrie pour voir Trentemøller. Je gardais un bon souvenir de son précédent passage il y a trois ans (va-t-il devenir lui aussi l’un des “abonnés” de Rock en Seine ?), et son mélange de rock sombre et d’électro atmosphérique, parfaitement dosé, m’a une nouvelle fois séduit. Avec, en outre, l’impression de voir un véritable groupe, et non un sorcier des machines entouré de musiciens et chanteuses intérimaires.
Je partirai néanmoins quelques minutes avant la fin pour jeter un œil et une oreille à “Superdiscount 3”, soit le trio Etienne de Crécy, Alex Gopher et Julien Delfaud, sur la scène Pression Live. Si la scénographie est plus modeste que pour le précédent projet pharaonique d’EDC, “Beats’n’Cubes”, le “Super Discount” en lettres lumineuses aux couleurs changeantes (écho d’un autre dispositif installé autour d’un bassin, pas très loin de là) fait son petit effet, et les quelques miettes de la première compilation, pierre angulaire de la French touch, semées dans le mix (dont le fameux “Sensimilla… Marijuana…” de “Prix choc” en boucle) clôturent cette première journée sur une note doucement nostalgique. (V.A.)