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Luluc – Passerby

Luluc - Passerby

C’est regrettable, mais c’est un fait : la surabondance de voix féminines plus ou moins identiques qui sévissent sur le terrain du folk intimiste nous a rendu méfiants jusqu’à l’excès. En effet, pour une Alela Diane ou une Sharon Van Etten, combien de chanteuses inoffensives et sans doute vouées à l’oubli d’ici quelques semaines ? Sauf que cette prudence immodérée risque aussi de nous détourner de quelques découvertes essentielles. Témoin la très douée Hollie Fullbrook, alias Tiny Ruins, dont les chansons boisées font partie des plus grandes sources de ravissement de ces derniers mois. Ou encore Luluc, duo originaire de Melbourne et désormais implanté à Brooklyn, dont le deuxième album qui nous intéresse ici pourrait bien être l’un des temps forts de l’année en cours.

Six ans après leur inaugural « Dear Hamlyn », Zoë Randell et Steve Hassett devraient voir leur cote monter en flèche avec la sortie de ce « Passerby », édité par le label Sub Pop et co-produit avec Aaron Dessner. Ce dernier a en effet ouvert à Luluc les portes de son propre home-studio, après que la chanteuse ait posé sa voix sur un morceau de The National (« Lean », pour la bande originale de « Hunger Games : Catching Fire »). On comprend aisément les motivations de Matt Berninger et ses hommes au moment de solliciter Zoë Randell. Légèrement distante, et nimbée d’une mélancolie plus que communicative, son empreinte vocale fait d’emblée forte impression. Atout numéro un du groupe, elle se pose en écho lointain au timbre spectral de Nico, ou encore de la mystérieuse Sybille Baier (« Without a Face »). C’est donc avant tout cet organe, capable de tous les sortilèges, qui permet d’installer les chansons de Luluc dans une catégorie où la notion de temps n’a plus vraiment d’importance (« Passerby »).

Il serait cependant injuste de réduire cette immense réussite aux seules prouesses vocales de la demoiselle. En effet, si la musique du binôme séduit autant, c’est également par la finesse de ses options instrumentales. Derrière une simplicité propre à ce type d’exercice folk plutôt conventionnel, l’auditeur découvre sans cesse de subtiles nuances. Secondé par une poignée de musiciens triés sur le volet, Dessner fournit les ornements adaptés à ces miniatures guitare-voix fragiles et nostalgiques. Trompette, saxophone et trombone font ainsi une entrée en scène renversante sur « Tangled Heart », transformant avec une facilité déconcertante tous les essais avortés du « Greatest » de Cat Power. « Star », qui s’élève en douceur sous l’effet de cordes que le grand Robert Kirby aurait pu agencer, rappelle enfin l’influence capitale des œuvres de Nick Drake sur le travail du duo. Il clôt aussi de la plus belle des manières un album instantanément familier, dont les chansons semblent faire partie de nos vies depuis toujours. Malgré une arrivée plus que discrète, « Passerby » est donc fait pour durer.

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