Fin 79, Dick Annegarn vit désormais de façon spartiate sur une péniche à Noisy-le-Grand et participe activement à la vie associative locale. « Ferraillages » est son deuxième album en public, un an à peine après le copieux live « Ce spectacle ici sur terre ». Cette fois, il se présente en solo armé d’une simple guitare et partage l’affiche avec un authentique bluesman noir américain, Robert Pete Williams. Cette affiche a priori improbable n’est pas franchement surprenante tant le blues et le folk ont imprégné la formation musicale du jeune Annegarn.
Le parcours de Williams a quelque chose de caricatural : famille de métayers originaire de Louisiane, petits boulots, séjour en prison pour meurtre avec circonstances atténuantes. A la prison d’Angola, il est découvert par deux musicologues qui contribueront à sa libération en 1959. Il se retrouvera au festival de Newport en 1964, croisera deux ans plus tard la route de John Fahey (as de la six-cordes et musicologue érudit) qui le fait enregistrer sur le label Takoma, et sera ensuite vénéré par une génération de musiciens blancs comme Alan Wilson de Canned Heat et Captain Beefheart. Sa pratique du blues, plutôt peu conventionnelle, sied bien à ce concert dépouillé où les simagrées d’Annegarn et la malice du vieux musicien noir s’épousent à merveille. C’est aussi un testament sonore, puisque ce dernier mourra un an plus tard.
Dick, lui, interprète six nouveaux titres et deux chansons d' »Anticyclone« , « Albert » et « Duduche Blues ». C’est d’ailleurs celle-ci qui ouvre le bal, provoquant l’hilarité générale dans le public. La farce continue avec le morceau « Françoise parodie » sur lequel il s’offre un savoureux pied de nez à l’establishement en massacrant le célèbre tube yéyé de Françoise Hardy. A noter aussi que « Johnny Johnny » et « Désolé » sont deux morceaux que l’on retrouvera en 1981 sur l’album « Citoyen ».
Ce disque mineur, pas désagréable du tout et jamais réédité en CD, a valeur de témoignage. On y entend un saltimbanque retourné au maquis, faisant le pitre sur scène alors que dans la vie il tirait le diable par la queue.