Quelques jours à peine après la venue du génialement déglingué Mac DeMarco pour un concert forcément mémorable, Stereolux remet l’indie rock à l’honneur, cette fois-ci au long cours, pour cinq jours dédiés à la musique indépendante dans ce qu’elle a de plus variée. Retour sur la vingtaine de concerts donnés dans les deux belles salles de Stereolux. Une parfaite mise en bouche avant les festivals à venir cet été, les pieds au sec et les odeurs de saucisses grillées en moins.
Jeudi (texte et photos : Matthieu Chauveau)
Ouvrir un festival, ce n’est pas toujours une tâche facile et ce sont les Tourangeaux de Funken qui s’y collent. Le concert commence dans une salle encore quelque peu clairsemée, qui plus est. Pour d’autres groupes, ça pourrait être frustrant, pour la pop-hip-hop bricolée de Funken, c’est presque idéal. A l’instar des compositions d’un Daniel Johnston, on imagine bien les chansons de Funken ayant été élaborées dans une chambre tapissée de posters de super héros, la moquette jonchée de comics. Mais ici, c’est un peu comme si Johnston avait préféré le hip-hop aux Beatles. Comme une version low-fi du groupe américain Why? ou, plus proche de chez nous, un pendant joyeux à Angil and the Hiddentracks.
Les Portugais de Paus comptent seulement un musicien de plus que les trois Funken, et pourtant, ils sont autrement plus bruyants. Personnellement, je me méfie toujours quand la batterie est trop mise en avant dans un groupe (tout petit déjà, je détestais les fameux soli de batteries, à part peut-être… ceux peu aventureux de Ringo Starr et, plus tard, ceux d’Elvin Jones, mais c’est une autre histoire). Avec Paus, je suis servi. Il n’y a pas une, mais deux batteries… et placées au premier rang, comme pour enfoncer le clou. Pourtant, je dois me rendre à l’évidence, la grosse machine Paus est bien huilée, efficace. Les adeptes du groupe Battles, dans la salle, sont aux anges. Mission accomplie, donc. Moi, je pars prendre ma place dans la salle Micro pour le concert de mes petits chouchous de la soirée, les Nantais de Le Feu.
Le Feu, c’est le nouveau projet de Jonathan Kingsley Seilman, qui a sorti il y a déjà une petite décennie un bel album sous le nom de This Melodramatic Sauna. Pour ce projet, Seilman a délaissé son post-folk contemplatif et autocentré pour une pop ronde, lumineuse et pleine d’aplomb, servie par un vrai groupe dont les musiciens ne sont pas exactement des inconnus (Vincent Dupas de My Name is Nobody, Antoine Bellanger de Gratuit, Pierre Marroleau de Fordamage). Aucune extravagance dans l’attitude du Feu sur scène. Les musiciens sont même un brin austères, dressés comme des « i » derrière leurs instruments. Mais l’essentiel est autre part, dans les mélodies catchy de Seilman, dans cette complémentarité parfaite entre la voix du monsieur et celle de la chanteuse Vanille Fiaux, comme un mariage idéal entre le crooning désinvolte du Jarvis Cocker des débuts de Pulp et les contre-chants délicieusement aériens d’Amanda Brown des Go-Betweens.
Je rêve à des groupes chéris des années 80 en assistant au concert du Feu, je pense donc trouver mon compte avec ce qui suit… Le groupe londonien The Woodentops est né en 1983 et a traversé les décennies sans vraiment percer, partageant la scène avec des groupes au destin autrement plus conséquent (The Smiths, New Order, deux de mes groupes fétiches). Et puis voilà, la plaquette du festival cite le « Murmur » de REM en référence… Bref, c’est peu dire que j’attends beaucoup de la prestation des Anglais. Avant même que les musiciens n’entament le premier morceau, j’ai déjà de fortes suspicions. Les gars sont fagotés comme ce n’est pas permis : tennis blanches aux pieds (à la Queen…), chemises en lin noires, trop amples (oui, dignes de celles qu’arborent les orchestres de balloches – ceux que l’on subit au 14 juillet ou au mariage d’un lointain cousin oublié qui malheureusement, lui, ne vous a pas oublié). Le chanteur, qui joue sur une guitare électrique « imitation acoustique » du plus mauvais goût – qui lui a pourtant sûrement coûté très cher (comme sa belle chemise en lin) – chante trop fort, court d’un bout à l’autre de la scène, sourit trop, remercie trop. Bref, The Woodentops ne fait pas dans la retenue. Et c’est tout à fait raccord avec la musique qui se joue, rappelant plus la festivité outrancière de la Mano Negra que le spleen insulaire des Smiths et de New Order. Vite, direction la petite scène où s’apprêtent à jouer les post-ados de Vundabar !
Après les vieux qui jouent de la musique de jeunes, place aux jeunes qui jouent de la musique de vieux – plus précisément, de la musique de teenagers, mais telle qu’elle existait dans les années 90. Duo à l’état civil, Vundabar est un trio sur scène et il ne pouvait en être autrement. L’éternelle formule guitare, basse, batterie s’avère idéale pour rendre grâce aux compositions urgentes, power pop et grunge en diable de ces gosses du Massachusetts. Vundabar n’est certainement pas l’avenir du rock’n’roll mais sa musique possède assez de charme, de fraîcheur et de puissance pour être appréciée sans a priori. Le groupe de festival par excellence quoi, et une manière idéale de clore cette première soirée indigène – parfaite excuse pour snober Har Mar Superstar, l’ersatz d’Otis Redding qui s’apprête à investir la grande scène.
Matthieu Chauveau