Archie Bronson Outfit occupe une place à part dans le Landerneau du rock britannique. S’ils ont su se forger une personnalité à la fois forte et singulière, les hommes du Somerset ont aussi choisi d’évoluer selon leur propre rythme, ne se souciant guère des convenances de l’époque. Il aura ainsi fallu aux Anglais pas moins de quatre ans (une éternité, à l’échelle du music business) pour donner une suite à “Coconut”, produit par Tim Goldsworthy (DFA). Une période marquée par la défection d’un membre fondateur (le bassiste Dorian Hobday), mais aussi par l’intégration d’un nouveau collaborateur (le multi-instrumentiste Kristian Robinson, alias Capitol K). Légèrement remanié donc, mais en aucun cas démobilisé, le groupe revient aujourd’hui aux affaires avec une envie intacte, voire décuplée.
Sans chercher à chambouler une formule qui a plus que fait ses preuves, “Wild Crush” vient rappeler la puissance de feu phénoménale de cette formation qui a choisi de ne pas choisir entre heavy-rock massif (“Two Doves on a Lake”, “Cluster Up & Hover”), garage-psyché fiévreux (“We Are Floating” et son solo de guitare remarquablement économe), ou même pop (“In White Relief”, qui évoque Edward Sharpe & the Magnetic Zeros). Véritable sommet en terme d’intensité, “Hunch Your Body, Love Somebody” est porté par ce souffle rock’n’roll ravageur derrière lequel les Pixies version 2014 (ou ce qu’il en reste) ne peuvent plus courir. Juste après, “Country Miles” fait doucement retomber la pression avec son chant vocoderisé, comme un clin d’oeil final aux Flaming Lips de “Yoshimi Battles The Pink Robots”. Toujours partisan d’une certaine concision, A.B.O. ne s’encombre pas vraiment du superflu. “Wild Crush” ne dure ainsi que 32 petites minutes, signe d’une volonté farouche d’aller droit au but. Il conviendra par ailleurs de saluer la contribution déterminante, sur plusieurs titres, du sax baryton de Duke Garwood. Ses interventions, loin de se réduire à une fonction simplement décorative, élargissent le propos avec inventivité (les accents southern soul de “Love To Pin You Down”) et renforcent un peu plus encore l’identité de ce groupe pas comme les autres.
Hormis quelques faux pas tout à fait pardonnables, tel un pastiche des Byrds à moitié réussi sur “Glory, Sweat and Flow”, ce quatrième album est donc parfaitement armé pour nous faire oublier la trop longue absence d’Archie Bronson Outfit. Il parvient surtout à éclipser, en quelques riffs nerveux, tous les doutes qui pouvaient encore planer quand à son avenir. Habité, personnel et puissamment addictif, “Wild Crush” marque le retour gagnant d’un groupe aussi rare qu’essentiel.