C’est dans le cadre du festival pluridisciplinaire Un Week-End Singulier (danse, cinéma documentaire, conférences, expo et même… magie au programme) que se produisait au lieu unique Calvin Johnson, figure obscure mais non moins légendaire du rock d’outre-Atlantique dans ce qu’il a de plus underground.
Calvin Johnson a enregistré des disques sous son nom et sous beaucoup d’autres (Cool Rays, Beat Happening, The Go Team, Dub Narcotic Sound System, The Halo Benders, The Hive Dwellers) édités sur son label culte K Records depuis le début des années 80. Culte, le terme n’est ici pas galvaudé. Kurt Cobain lui-même a été jusqu’à se tatouer le logo du label sur son bras. Un bras étonnement vierge de tout autre tatouage pour la personnalité relativement trash qu’on lui connaissait, c’est dire l’importance que devait avoir le travail de Johnson à ses yeux.
Alors, à quoi ressemble un musicien quinquagénaire qui a traversé plusieurs décennies de rock underground américain empreint d’un esprit punk résolument DIY ? Eh bien, à rien de bien inquiétant en fait.
Avec son look « normcore » au possible – le néologisme de ce début d’année 2014, que je me devais de caser au plus vite dans une chronique… – Johnson ne ressemble en rien à ce que son impressionnant CV laissait présager. Coiffure proprette, barbe impeccablement rasée, fringues de monsieur tout le monde – il ressemblerait un peu à mon médecin, en fait -, l’Américain se produit en solo et en acoustique dans un petit coin de la grande salle d’expo du lieu unique. En acoustique au sens strict du terme : aucun micro, aucune amplification, juste la voix caverneuse du bonhomme – mais quelle voix ! – et son jeu de guitare économe. Comme une rencontre rêvée entre le chant à la beauté grave de Fred Neil et les guitares sèches intuitives mais limpides d’un Daniel Johnston.
Des magnifiques et touchants « Nothing to Hold us Here » et « When You Are Mine » issus de ses albums solo à l’épatante interprétation a cappella d’un « Get in » (The Hive Dwellers, 2010) presque rappé et accompagné d’une danse complètement weird – qui nous rappelle que, oui, c’est bien le créateur de K Records qui se tient sur scène -, on est assez scotchés par la prestation de l’Américain. Et puis, même si on ne comprend pas toujours tout, la voix de Johnson est tout bonnement incroyable, même quand il prend son temps pour nous parler de son récent passage en Hongrie, des souvenirs qu’il a du Rideau de Fer qui était encore dressé à l’époque où il sortait ses premiers disques. Introduction parfaite à sa reprise de « Diamonds Are Forever« , la chanson du James Bond du même titre (Guy Hamilton, 1971) composée par John Barry. Décidément, oui, Calvin Johnson traverse incroyablement bien les époques. Et semble éternel.