Une voix chancelante, le bruissement énigmatique d’un orgue cafardeux. En plaçant « Too Bright to Shine » en ouverture de son premier album, Champs pose admirablement le décor. Fort de cette entrée en matière poignante, le duo de l’île de Wight ne nous laisse pas d’autre choix que de prêter une oreille attentive à ce qui va suivre. Et cela tombe bien, car les neuf titres qui lui succèdent sont à la hauteur de nos attentes. Rapidement, le vent se lève sur « Savannah », un single qui, avec son piano martelé et son refrain euphorique, en dit beaucoup plus long sur les intentions de Michael et David Champion. Puis débarque « Pretty Much (Since Last November) », qui se joue astucieusement des nuances entre les voix des deux garçons, pour un résultat assimilable à la noblesse pop-folk des brillants Leisure Society. La paire tente alors de nous prendre à contre-pied avec « Only a Bullet Knows Where to Run », tentative plus ou moins heureuse d’appropriation des codes psyché-pop contemporains. Là, Champs laisse le sentiment étrange de vouloir enfiler un costume, emprunté à MGMT ou The Sleepy Jackson, encore beaucoup trop ample pour ses frêles épaules. Heureusement, tout rentre dans l’ordre avec l’impressionnant « My Spirit is Broken », hymne indie-rock fougueux rappelant l’élégance renfrognée des trop confidentiels Erland & The Carnival. « St Peters » et « Down Like Gold », tout en arpèges lumineux, calment à nouveau le jeu et confirment que, depuis son studio installé dans un ancien château d’eau, la fatrie a les yeux et les oreilles résolument tournés vers l’Amérique. Leur Amérique à eux, c’est celle des harmonies flamboyantes et du lyrisme champêtre. Celle de Fleet Foxes, Other Lives ou Bon Iver, en somme. Domptant avec adresse et conviction l’émotion pure du folk, Champs signe un coup d’essai qui prend régulièrement des allures de coup de maître. « Down Like Gold », un disque qui vaut de l’or.
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