Un peu plus d’un an après la sortie de leur premier album (ressorti sur le label Animal Factory il y a quelques mois) on a enfin pu découvrir Rhume en concert lors du dernier festival Mo’Fo, et on a profité pour échanger quelques mots avec Maxime Saint-Jean et Laurent Dussarté.
Vous êtes sur le label Animal Factory, quel est votre lien avec le collectif Iceberg, comment les avez-vous rencontrés ?
Laurent Dussarté : On les connaissait un peu par Myspace, en 2005, quand on a commencé. On est devenus amis sur Myspace, et puis on est très vite entrés en contact avec eux parce qu’on est des Landes, eux aussi, (à Maxime) t’étais en classe avec Dorian non quand t’étais petit ? Y a des liens comme ça. Donc on se connaissait de vue.
Mais vous ne faites partie d’aucun groupe du collectif (ndlr : les membres d’Iceberg font souvent partie de plusieurs groupes du collectif)
L : Non, non, on ne joue pas avec eux, on est juste du même coin c’est tout. Puis ils avaient un groupe qui s’appelait Le Pingouin, c’était Petit Fantôme, Mickaël et Dorian, c’était justement un espèce de rap un peu hybride, au début on nous a un peu comparés à eux.
Donc aujourd’hui Animal Factory vous a permis de sortir physiquement ce premier album.
L : Alors on l’avait déjà sorti nous mêmes, et on a rencontré Animal Factory après coup en fait. On l’avait sorti en autoproduction avant, puis Animal Factory l’a ressorti officiellement en 2013. Mais le disque était sorti en 2011 en fait.
Les ventes sont épuisées, j’imagine que vous devez être assez contents.
Maxime Saint-Jean : Oui, Animal Factory nous a permis d’avoir un réel écho, pas seulement des copains et des copains de copains. Ça nous a permis d’aller vers des personnes qu’on ne connaissait pas.
L : Ils ont fait du super boulot de promo donc ça nous a permis de nous faire connaître hors du cercle d’amis. Avant ça, il y avait 10 personnes qui nous écoutaient.
Est-ce que le fait de faire partie d’Animal Factory et de graviter autour d’Iceberg, ça ne vous apporte pas aussi une sorte de label qualité ?
L : Ben ouais, puisque vous nous parlez d’Iceberg alors qu’on n’en fait pas partie, et c’est chouette parce que ça permet de faire des liens entre les groupes.
Géographiquement, ça permet aussi aux gens de découvrir qu’il peut se passer des choses dans les Landes.
L : Bon ça fait longtemps qu’on n’y habite plus. Moi j’habite à Tulle et je suis en train de m’installer à Bordeaux, et Maxime est à Châlons-sur-Saône. Donc pour tourner, tout ça, c’est compliqué. On reçoit des propositions et on peut pas trop répéter, on est obligés de s’arranger, de prendre des congés comme on bosse tous les deux. On s’organise, Maxime travaille dans une université donc ça nous fait déjà des vacances fixes, et moi je me cale sur ça, et on joue là ce week-end, on bosse lundi, on se débrouille.
Comme vous jouez plus depuis quelque temps, est-ce que vous trouvez que vos live changent ?
M : Ben on prend déjà plus d’assurance, on peaufine certaines choses, du coup c’est bien, ça nous fait progresser de ce côté-là. Parce qu’avant on a beaucoup travaillé en studio, sur certaines prises, sur la composition des morceaux, sur les agencements entre les morceaux… Et c’est vrai qu’on n’avait pas du tout joué ensemble vraiment, physiquement.
L : Le disque, on l’a très peu fait physiquement dans la même pièce. Il y a eu quelques petites sessions où on était dans la même pièce, mais c’était vraiment pour finaliser les morceaux. La composition s’est faite sur Internet, par envoi de fichiers.
Votre expérience scénique, vous pensez que ça va modifier votre façon d’écrire les morceaux ?
L & M : Oui.
Comment ? Vous trouvez qu’il y a des choses qui ne marchent pas sur scène par rapport au studio ?
L : Ou inversement, des trucs qui marchent pas en studio, et qui marchent sur scène. Notamment on a un vieux morceau qu’on n’a pas mis sur l’album et qu’on n’a jamais réussi à enregistrer, et sur scène on arrive à le faire.
M : Disons que sur scène on peut grossir le trait. Si on a un morceau un peu percutant, sur scène on peut vraiment le faire percuter et ça peut rendre, mais faut vraiment le pousser, jouer le jeu. Pareil pour un morceau planant. Mais du coup c’est vrai que l’adaptation sur scène, ça demande aussi un peu de boulot. Parce qu’on se rend pas compte au début des ajustements , ou alors là où le morceau peut bien sonner sur scène.
L : Et puis c’est à force de jouer en fait.
Au niveau des voix, comment vous vous répartissez ?
L : Les voix c’est Maxime, je fais les back sur les refrains, les trucs comme ça. Moi je gère la guitare.
M : Mais pareil c’est en progrès aussi on va dire, c’est en construction. Entre les premiers concerts, ceux qu’on a faits au mois d’avril (2013), et puis maintenant, Laurent est plus présent avec les back, moi je sais mieux comment gérer ça, parce que sinon je suis toujours la gueule dans le micro en train de faire mon boulot. Du coup on s’entend mieux, y a de plus en plus de connivence.
Et ça doit être forcément à deux ? Vous voudriez pas vous adjoindre d’autres membres ?
L : Pourquoi pas ? Mais comme on bosse à côté, c’est déjà compliqué à deux de coller les emplois du temps. J’imagine à quatre, c’est un enfer.
M : A quatre il faut habiter dans la même ville et il faut vraiment du temps.
L : Et puis une batterie ça veut dire un local, il faut trouver un endroit…
M : Il faut trouver des musiciens aussi qui sont dans le même délire.
L : Mais bon c’est vrai qu’on serait ouverts à ça.
Vous écrivez / composez de manière constante ?
L : Oui là on a des choses qui sont pas finies, donc ce qu’on joue c’est uniquement des vieux morceaux. On enregistre au quotidien chacun chez soi, donc on compose en continu.
Pour le premier album, vous avez rassemblé des morceaux et vous vous êtes dit « C’est bon, on a de quoi faire un album » ?
L : Il a vraiment été pensé en tant qu’album. On aurait pu mettre d’autres morceaux. On va faire pareil pour le deuxième, on va accumuler et puis quand on aura 10 ou 12 chansons qui collent ensemble, qui forment un tout, on dira « Ok c’est bon ».
Et au niveau de vos influences, est-ce que des personnes comme Arnaud Michniak ont été vraiment importantes pour vous ?
M : Oui, du fait de chanter en français mais pas forcément du point de vue des paroles, des lyrics.
C’est quand même un peu plus drôle, ce que vous écrivez.
L : Bon Michniak, Programme, respect, parce que ça fait partie des gens qui ont débloqué la voie, ça c’est évident. Mais par exemple, on est plus proches d’un type comme NonStop, qui est un pote de Michniak et qui utilise plus d’humour justement, y a pas cette espèce de noirceur obligatoire que Michniak a parfois… Et oui aussi bien sûr Diabologum, tout ça…
M : Et Silver Jews aussi. Silver Jews y a des paroles qui pourraient être dites par Michniak ou alors Le Klub des Loosers. Le truc c’est qu’on se focalise sur le fait qu’on chante en français, donc on pense tout de suite à ces références là.
L : Sur les textes, 90 % de nos influences sont anglo-saxonnes en fait.
M : Mais même dans l’interprétation. Parce que c’est vrai qu’on est dans le parler français, écrit dans un français grammaticalement juste et correct, etc. Sauf qu’on écoute des disques américains, anglais, où y a plein d’onomatopées et d’interjections, ils font des « ouh », des trucs comme ça, et ça, ça fait partie de nos influences, sûrement que ça s’entend. Il y a aussi le label/collectif Anticon, et Why? qui chantonnent en parlant…
L : Et puis Why? quand tu lis ses textes c’est proche des nôtres en fait.
Y a un côté plus folk par moment chez Why?, il chante vraiment, ce que vous ne faites pas.
M : Non c’est vrai, c’est plus pop, y a des mélodies chantées. Après, ça nous a beaucoup ouvert la voie quand au début des années 2000 on a commencé à écouter ces trucs d’Anticon, ou cLOUDDEAD, on s’est rendu compte qu’on n’était pas obligés de bien savoir rapper en faisant une rime tous les deux mots, comme dans le rap classique. On peut aussi faire des longues phrases, des « Hmmhmmhmmm »,…
L : On peut écrire des textes surréalistes, rapper sur arbre qui devient violet, chaipasquoi…
Le truc d’Anticon, ça venait aussi des mélodies derrières le rap, y avait pas forcément une énorme machine sonore qui venait appuyer le flow, ça pouvait être des lignes mélodiques toutes simples, ou complètement déstructurées.
L : Et puis, ne pas s’interdire les trucs mal joués, nous on aime bien les trucs qui sont assez mal joués. Anticon, les premiers Why? on a l’impression que sa guitare est pas bien accordée, que sa batterie est pas tout à fait dans les temps, et ça c’était important. Comme sentir une pulsation…
M : Aussi parce que nous, on pourrait pas faire des trucs ultra carrés, méga propres. Ça sonnerait pas, parce qu’on sait pas très bien le faire. Par contre, faire les choses au feeling, pas forcément dans les temps ou dans les clous, ça nous va.
Et vous pensez vos morceaux comme du rap ou pas ? Certains groupes qui sont dans le parler chanter n’aiment pas trop cette appellation parfois.
M : Non pas du tout. Disons qu’entre le parler strict du rap et le chant de la chanson, y a quand même toute une palette qu’on peut explorer. On parlait de Why? qui est un rappeur mais qui chante du parler, disons que moi je parle, comme une voix interne, comme un monologue intérieur. Ça se rapproche plus du discours.
L : Le rap en plus… Bon, nous on est des gros clients, on adore ça hein, mais pour moi c’est un DJ et un, deux ou trois rappeurs, c’est différent. Moi le rap avec des instruments, des cuivres et tout, ça me fait chier.
M : C’est à dire ? Du rap joué un peu acoustique ? A la Guru ?
L : Ouais voilà. Le rap qui essaie de rajouter des influences, moi j’aime pas ça, je préfère vraiment un DJ et des MCs. Mais si c’est ta vision du rap, alors on fait pas du rap.
Les Beastie Boys ont un peu tordu ce modèle et c’est un vrai groupe de rap.
M : C’est vrai qu’ils ont apporté des trucs avec ces riffs de guitares électriques, de grosses grattes de punks, ça a mis un peu de frais au rap à l’époque, même s’il était pas très vieux.
Comment vous avancez tous les deux ?
M : On avance sur un projet, on se l’envoie, chacun ajoute des trucs. Ou en enlève.
L : Sur les textes, Maxime fait la matière tout seul, et puis moi je vais couper des choses, enlever des phrases, et lui renvoyer. Il va refaire une mouture par rapport à ce nouveau collage, et ainsi de suite. Et pour la musique c’est pareil.
M : Ou alors il me décale le chant alors que j’étais dans les clous, et je me dis « putain, c’est pas bon », et en fait si c’est bon, parce que moi j’essaie de bien tomber dans les cases, et puis Laurent me décale et c’est plus intéressant.
L : Il faut qu’il refasse la prise décalée, il se réapprend lui-même en fait.
M : C’est un coupé-décalé.
Certains de vos textes sont très sérieux au départ et puis partent dans une direction différente.
L : Pour l’écriture au départ, c’est Maxime, moi je fais juste du découpage et du collage, c’est vraiment du ping-pong. Parfois y a des textes qui sont très sérieux et qui partent en décalé au bout de quelques phrases.
M : Oui, je peux avoir un texte sérieux, et puis Laurent colle un « WeeeWeee » dessus, et du coup la voix qui était un personnage qui se livrait un petit peu, eh bien sa colère devient comique.
L : Ou alors il va avoir un texte assez drôle que je vais couper court, sur une phrase et paf ! Ça fait un vide et ça devient un truc étrange, alors que c’était une blague au départ.
Ce va-et-vient dans la composition, ça vous permet de trouver le ton juste ?
L : Oui, et après il faut trouver un équilibre dans les arrangements, les accords, parce que ça rajoute une ambiance, ça donne une couleur au texte. On n’a pas de procédé fixe.
Et au niveau des samples, vous vous permettez de tout utiliser ?
L : Oui oui. Que ce soit un élément de batterie qu’on va récupérer sur un disque et utiliser dans un morceau, un mec dans la rue, la radio…
Pour tout ce qui est visuels, clips, vous vous débrouillez comment ?
M : Le clip de « Je vais pas me coucher comme ça », c’est un pote qui l’a fait, la pochette de l’album c’est moi qui ai fait la mise en page, j’ai dû apprendre Photoshop, ça prend vachement de temps. L’album, on l’a sorti tous seuls au départ, donc il a fallu demander des devis, etc.
L : Les clips ce sera plus pour le prochain album, en plus là maintenant il est vieux cet album, les chansons elles étaient finies en 2010, ça fait 4 ans. En plus on aura plus de moyens pour le prochain album, avec Animal Factory qui va nous présenter des gens pour faire des clips. Mais carrément oui.
M : C’est sûr que la prochaine sortie sera mieux préparée, parce que là c’est après la sortie qu’on fait des vidéos, notre pote Charlie avec « Je vais pas me coucher comme ça », moi j’ai fait un truc sur « Trompe l’œil »… Mais c’est bien ce qui se passe en ce moment, parce que l’album est entendu. On l’avait chez nous et il était écouté par nos amis, mais c’est bien qu’il atteigne d’autres oreilles. Qu’il y ait un retour positif ou négatif, c’est bien, le disque fait son chemin.
Rhume – Vigilance rose – POPnews
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