« An anti star is born! », s’exclamait il y a quelques années un célèbre mensuel britannique au sujet de Doug Paisley. Singer-songwriter discret et appliqué, le Canadien n’est pas vraiment du genre à défrayer la chronique. Il semble plutôt destiné à perpétuer sagement la tradition, à entretenir avec foi un artisanat musical typiquement nord-américain. Ses tirades country-folk ressemblent bien souvent à des classiques oubliés de Johnny Cash ou du Band (un groupe dont l’organiste Garth Hudson est d’ailleurs ici présent). Il ne faudra donc en aucun cas venir chercher sur “Strong Feelings”, pas plus d’ailleurs que sur ses deux précédents lp, la moindre trace de nouveauté. S’il laisse à d’autres le soin de faire avancer les débats, le Torontois continue pour sa part d’affiner un savoir-faire qui gagne ici en vigueur autant qu’en souplesse. Plus éclectique que par le passé, l’orchestration donne quand à elle une envergure nouvelle à des compositions que l’on imagine très bien tourner en boucle sur les radios musicales du Nouveau Continent. Et puisque le garçon sait particulièrement bien s’entourer, il est rejoint au micro sur quelques titres par la chanteuse Mary Margaret O’Hara. Tous deux unissent leurs voix pour raviver en douceur le spectre des duos mythiques de la chanson folk américaine, ceux du couple Cash ou de la paire Gram Parsons / Emmylou Harris. On l’aura compris, nul ne trouvera ici matière à rassasier l’appétit d’un indie kid avide de chair fraîche. Pour ceux qui, au contraire, n’aiment rien tant que s’abandonner dans le confort d’une musique au charme aussi désuet que rassurant, “Strong Feelings” a tout d’une aubaine.