Que dire encore sur Doctor Flake qui ne soit vaine parole flatteuse ? Depuis une dizaine d’années, le producteur annécien (d’Annecy) nous livre contre vents et marées des pépites musicales downtempo sans s’écarter d’un chemin qu’il arrive à réinventer par la magie de rencontres inspirantes. Avec « Acchordance », son cinquième album précédé d’un EP détonnant, Doctor Flake poursuit sa quête exigeante d’une musique sombre et méditative qui mélange les genres autour d’une solide base d’abstract hip hop.
A la première écoute, on pourrait douter qu’il puisse dépasser « Flake Up » son précédent opus tant celui-ci était un modèle d’équilibre. Et puis, en quelques tours de platine, la magie opère à nouveau. Cette fois l’envoûtement naît des motifs néofolk du guitariste Yacine El Fath avec lequel Doctor Flake a bâti la charnière de ce disque projetant le son dans une sorte de conte des « Mille et Une Nuits » revisité. Une petite révolution pour ce pro du sampling qui a pu enfin repousser les limites de son art en demandant à un vrai musicien de rejouer, puis de moduler, les boucles qu’il avait patiemment collectées. Ce travail d’orfèvre crée toute la subtilité de ce disque où l’on retrouve, par ailleurs, sa patte si familière : alternance de climats vaporeux, de sursauts hip hop punchy et de ballades flippées. Avec espièglerie, le bon docteur nous fait visiter son cabinet de curiosités qui n’est pas sans rappeler ceux de Matt Elliott ou des BO de Jim Jarmusch pour leur goût commun du beau bizarre.
Impossible de clôturer cette chronique sans parler des featurings qui illuminent cette rêverie opiacée. Le fidèle Miscellaneous (Chill Bump) en grande forme sur « Rock On », le flow littéralement halluciné du Canadien Ira Lee (« Japanese Porn »), le chant de sirène parfait mais un poil convenu de Malika Z. (« Lonely Road ») et surtout, la prestation pâteuse du chanteur folk H-Burns pour une ballade troublante (« Southern Lakes »).Un très bon cru pour qui aime frissonner de plaisir.