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Interviews

Vincent Delerm – Interview

Avec un disque qui est bien plus qu’une suite de chansons et qu’une expérience de studio, Vincent Delerm a construit avec « les Amants Parallèles » une belle curiosité : un très bel album qui donne autant à voir qu’à entendre. 

L’album a été pensé comme un album concept avec l’idée de raconter l’histoire d’un couple, de partir uniquement du piano et d’un gros travail en studio pour façonner le disque. Quelle a été l’idée de départ ?

Vincent Delerm : L’idée de départ était très simple. J’ai juste pensé à raconter une histoire d’amour sur tout un disque. J’avais très envie de faire quelque chose qui pouvait ressembler à « Melody Nelson » ou à « Promenade » de Divine Comedy. Ce qui m’a déterminé dans le fond, c’est bien évidemment ma tendance à faire régulièrement des chansons d’amour ainsi que ma frustration sur le fait qu’en quelques minutes, il est très difficile de faire évoluer le sentiment amoureux. Avec ce disque, on peut aimer une chanson un jour et beaucoup moins le lendemain en fonction de son humeur, de sa propre situation amoureuse. Avec ce format, j’ai souhaité donner à entendre les déclinaisons des sentiments. Je voulais également coller à une certaine forme de réalité et pour y arriver, il me fallait un peu de longueur.

Est-ce un disque qui a été techniquement difficile à produire puisque tous les sons que l’on entend (percussions, basses, etc.) proviennent de trois pianos ?

Oui, même si à l’écoute, on ne s’en rend pas vraiment compte. C’est même presque le contraire puisqu’il y a une approche un peu easy-listening, quelque chose qui tourne tout seul alors que de l’intérieur, ça a été effectivement assez complexe. Dans un premier temps, j’ai vraiment été spectateur de ce mode de composition-là. Je ne sais pas tout jouer, je ne sais pas tout faire, mais je souhaitais avoir un contrôle total sur le résultat. Ça n’a pas été évident. Clément Ducol qui est musicien et arrangeur a fait des propositions et, en général, ça marchait très bien. Je me suis toujours construit avec le piano et là, c’était vraiment une manière de garder ça tout en étant ailleurs, dans quelque chose de nouveau. Dans l’idée, c’était vraiment parfait pour moi.

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Avec « Les Amants Parallèles », tu te rapproches d’une espèce de « cinéma sonore » avec son générique d’ouverture, de fin, des flash-back

Oui, c’est vrai, c’était voulu. J’ai effectivement voulu que les gens fassent leur film, leur histoire, imaginent une suite. J’ai souhaité créer un climat de cinéma sans forcément y mettre de références.

Oui, mais il y a quand même des clins d’œil, non ? Un ascenseur, de la pluie, des amants : « Ascenseur pour l’échafaud » ? Un matelas à même le sol, un appartement sans frigidaire comme dans « La Maman et la Putain »?

Ah, c’est marrant que tu aies pensé à ces films. Ça me fait plaisir. Il y a effectivement une sorte de projection à chaque fois. On me parle aussi régulièrement des « Amants réguliers » de Philippe Garrel. C’est peut-être aussi parce que j’utilise moins de références sur ce disque et plus d’évocations, de suggestions par des mots. Dans la chanson « Le Film », j’utilise des mots qui sont dans l’inconscient collectif de l’idée d’un film avec un mec qui court partout, qui vient de tomber amoureux et qui marche sur l’eau mais je ne me suis pas inspiré d’une scène précise, plutôt des ingrédients un peu stéréotypés du cinéma.

Tes années d’enfance, tes années collège/lycée reviennent très souvent sur tes disques, y compris sur celui-ci.

J’ai de la chance, toutes mes années ont été assez marquantes… On nous pousse assez à regarder de l’avant ou à vivre au jour le jour et moi j’aime bien vivre en dehors du présent. Sur « L’Avion », je voulais montrer comment deux personnes, deux histoires qui sont passées par des enfances très différentes se rejoignent. On essaie toujours d’imaginer comment l’autre vivait avant, ce qu’il faisait, toutes ces choses un peu secrètes sur lequelles on n’a pas prise et qui nous questionnent toujours. C’est quelque chose qui me fascine assez. Le coté trouble de l’enfance aussi. Cette sensation de comprendre des choses sans les comprendre. Ce flou très mystérieux, pas forcément agréable, mais juste très fort comme quand on se lève le matin lorsqu’on est enfant, ça reste assez marquant pour moi. Dans l’album il y a des chansons fortes, mais je n’ai pas voulu montrer si elles étaient positives, négatives, joyeuses ou mélancoliques pour ces amants : dans la vie de tous les jours, il y a très peu de choses totalement positives ou totalement négatives, non ?

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Il y a des voix féminines tout au long de l’album qui portent un regard extérieur sur l’histoire de ces amants. Ça donnera quoi sur scène ? Qui chante sur « Ces deux-là » ?

Valérie Aussiètre est une amie qui a déjà chanté avec moi, notamment sur « Les Piqûres d’araignées », « Sous les avalanches », « La vie est la même ». Sa voix va assez bien avec la mienne, il y a une même couleur. Elle n’a pas du tout l’ambition d’être chanteuse, donc on la croise uniquement sur mes disques et ça me va bien. Sur scène, je ne vais pas forcément m’attacher à faire cet album, surtout que les pianos préparés sont complexes à mettre en place. Et après les cordes, la vidéo etc., j’ai très envie de retourner au piano-voix mais dans tous les cas, je ne présenterai pas « Les Amants parallèles » en concert comme une entité inaltérable, bien au contraire. Il faut surprendre un peu. Même Rosemary Standley qui chante dans Moriarty, j’étais très content qu’on l’entende parler et pas chanter.

Il y a un beau travail sur ta voix sur « Les Amants parallèles ». Elle paraît beaucoup plus spontanée, libérée que sur les précédents enregistrements. Les réécoutes-tu ?

Oui, je trouve assez étonnant d’avoir été entendu avec mon premier disque, avec cette voix « à la Laurent Gerra ». Je n’avais pas forcément trouvé ma voix et pourtant, il s’est passé quelque chose, j’y croyais assez, j’ai vraiment adoré travailler sur ce disque avec ce type d’orchestration. A l’époque, beaucoup de gens chantaient très fort avec souvent, contrairement à moi, des textes qui n’étaient pas liés à leur vie… Par exemple, je ne peux pas m’identifier à quelqu’un qui chante : « ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort »… Moi, j’ai essayé de faire des chansons avec leurs limites, mais qui me ressemblaient. J’avais 25 ans, je terminais mes études, je n’étais pas allé dans la forêt équatoriale, ni n’avais fait de « spring break ». Je me suis juste inspiré de ce qu’il y avait autour de moi.

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Sur « Les amants parallèles », on sent des sources d’inspirations multiples, de Steve Reich sur certaines boucles à des choses plus légères comme Séverin.

Oui, Reich c’est une influence de Clément. J’ai effectivement beaucoup écouté l’album de Séverin et notamment le titre « L’Eté andalou ». Je suis toujours curieux de ce qui sort. J’ai acheté le dernier Mendelson. C’est un groupe qui a beaucoup compté lorsque j’étais étudiant: « Alors j’ai dit ah bon », »Combs-la-Ville » ont une place très particulière pour moi. L’album de Michel Cloup il y a deux ans a été également marquant. Récemment, j’ai trouvé le prochain disque de Franck Monnet, « Waimarama », vraiment réussi. Il revient avec un nouvel album très bientôt. il y a deux ans, « Happy Soup » de Baxter Dury m’avait vraiment beaucoup plu. Je pensais faire quelque chose de très frais comme ce disque, et puis finalement on a pris une autre direction. Peut-être pour le prochain.

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