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San Fermin – San Fermin

San Fermin - San Fermin

Le premier disque de San Fermin est éblouissant, touché par une grâce jamais démentie le long de ses 17 titres. Comme peu de disques on peut être sûr que des milliers d’écoute ne l’épuiseront pas mais au contraire en révéleront de plus secrets atours. Sans nul doute on tient là l’un des miracles de cette année musicale.

Une certitude d’abord : l’oeuvre des jeunes Américains se mérite et demande une ouverture d’esprit à son auditeur. Car on pourra d’abord être déconcerté par l’enchaînement des titres, qui évoquerait à priori l’idée d’une compilation de groupes ou d’entités différentes. Il faut en effet oublier l’idée préconçue qu’un album se présenterait toujours comme un continuum, ou une unité relative, pour pénétrer plus avant dans les paysages sonores de San Fermin. Toutes ces constructions, des plus simples aux plus tortueuses sortent bien d’un même cerveau, celui d’Ellis Ludwig-Leone, 24 ans, son pianiste et unique songwriter ; l’on y retrouve, dans une suite étourdissante, le meilleur de la musique américaine, du folk dépouillé de « Methusaleh » à la pop orchestrale de « Sonsick » et « Crueler Kind », de l’écho des comédies musicales de « Oh Darling » aux dissonances post-modernes d' »In Waiting ». L’ancien pensionnaire de Yale, musicien depuis l’enfance et brillant étudiant, s’est entouré de pas moins de 22 musiciens et de trois interprètes virtuoses, le baryton Allen Tate et les deux membres féminines du groupe Lucius, Jess Wolfe et Holly Laessig. Cette expérience musicale aurait bien pu se révéler être un exercice de style brillant mais dénué d’à propos, il n’en est rien. Car San Fermin est bien une histoire d’incarnation réussie, comme en témoigne l’être de chair et de sang, au regard fier, qui orne sa pochette. Objet de désir et promesse d’une mise à mort (San Fermin comme les fêtes organisées à Pampelune, au cœur de l’été, avec comme point culminant sa corrida), le choix de ce nom fait aussi référence rétrospectivement au processus créatif à l’oeuvre lors de la création du disque absolument hors norme pour un musicien aussi jeune, que l’on imagine aussi jouissif que vertigineux.

Bien sûr quelques titres se livreront de manière immédiate comme des classiques indémodables, de « Renaissance ! » et sa mélodie à plusieurs voix proprement renversante au mélancolique « Casanova », de l’épique « Torero » à un « Oh ! Darling » délicieusement rétro. Mais l’album vaut infiniment plus que ces quelques sommets entrevus, imprégnant un peu plus son auditeur à chaque écoute. Quelques instrumentaux de toute beauté, souvent courts, offrent ainsi des climats plus incertains mais tout aussi prégnants entre les titres plus enlevés. On pourra évoquer tour à tour Sufjan Stevens, The National – autre groupe originaire de Brookyn – mais le jeu des références ne tient pas longtemps face à ce qui relève d’une forme musicale singulière, particulièrement élaborée, où la tension voisine toujours avec la beauté. San Fermin touche notre imaginaire et produit l’effet d’un travelling infini, où les paysages défileraient sans rompre jamais. Les sens en éveil, nous n’avons pas fini de les parcourir. 

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