Par l’étrange théorie des dominos, une rencontre amène une rencontre, une réédition entraîne une réédition. Mulatu Astatké bénéficia en son temps des compilations « Ethiopiques » et de « Broken Flowers » de Jarmusch. Dans son sillage, le fantastique blog Awesome Tapes from Africa, maison de disques occasionnelle, a ressorti cette année un disque solo de Hailu Mergia, clavier éthiopien, un temps évoluant dans le même groupe qu’Astatké, Walias Band.
Pour la faire courte, « Hailu Mergia and his classical instrument : Shemonmuanaye », sorti initialement en 1985 en format cassette, synthétise le meilleur de l’ethio jazz, issu de la musique traditionnelle éthiopienne, très pure à la base du fait du relatif isolement du pays et de sa colonisation tardive, et du choc de sa rencontre avec le jazz, retour à l’envoyeur de la quintessence de la musique afro. La force du disque de Mergia, c’est de mixer tout ça dans la moulinette des synthétiseurs de l’époque, d’utiliser des boucles, des sonorités trafiquées en plus de l’accordéon et du piano électrique.
Hailu Mergia, c’est, ni plus ni moins, Astatké meets Suicide. En ressort une musique à la fois extrêmement datée et pourtant d’un modernisme affolant. Peut-être, tout simplement, hors du temps.
Encore une bonne raison de visiter régulièrement Awesome Tapes from Africa et de soutenir leur label puisque la cassette a bénéficié pour sa réédition d’un nouveau mastering et qu’Hailu a quitté, le temps d’une tournée, son emploi de taxi new-yorkais pour donner une relecture de son album.